François de Jussac d’Ambleville (1599-1641), seigneur de Saint-Preuil, est le second fils de François de Jussac, baron d’Ambleville, lieutenant général pour le Roi en Angoumois, Aunis, Saintonge et au gouvernement de La Rochelle, et d’Isabeau de Bourdeilles. Il est aussi le frère de Charles de Jussac d’Ambleville, avec lequel il est souvent confondu, et de Nicolas Jussac d’Ambleville, seigneur de Plassac, dernier membre de la fratrie. Une de leurs sœurs, Louise de Jussac d’Ambleville, a épousé Guy de Sainte-Maure de Fougeray1. Henriette de Jussac d’Ambleville, épouse, quant elle, en 1615, Gaspard de Chabans, dit « de Joumard », marquis de Chabans2.
François de Jussac d’Ambleville est capitaine d’une compagnie du régiment des gardes.
Alors que Richelieu obtient, en 1627, la capitainerie et la lieutenance générale de Brouage, place déterminante dans la lutte contre le protestantisme, en raison de sa proximité avec La Rochelle, Monsieur de Saint-Preuil se trouve aux côtés du maréchal de Toiras sur l’île de Ré lorsqu’une flotte anglaise impose un siège à la citadelle Saint-Martin. Monsieur de Saint-Preuil, en compagnie d’Henri de Massué de Ruvigny, parvient à quitter la place le 25 octobre 1627 pour porter à Louis XIII et au maréchal de Schomberg, qui ont entrepris le siège de La Rochelle, une dépêche du maréchal de Toiras alertant de la situation désespérée dans laquelle il se trouve à Saint-Martin-de-Ré, en raison du manque de vivres3. Le Roi fait alors part de son étonnement, les Anglais finissent par lever le siège le 30 novembre, mais quelques mois plus tard (1628) paraît à Paris, chez E. Martin, une Relation de la descente des Anglais en l’île de Ré… attribuée par Denis-Louis-Martial Avenel à Richelieu, et par la Bibliothèque nationale de France à Michel de Marillac, affirmant que la citadelle de Saint-Martin-de-Ré disposait de plus de deux mois de vivres pour faire face à un siège anglais4.
Au mois d’août 1636, Monsieur de Saint-Preuil combat en Picardie, dans la région d’Amiens et de Corbie, devant laquelle arrivent les Espagnols le 65. Il propose alors de lever un contingent de 200 hommes6. Sa conduite déplaît cependant à Louis XIII : Richelieu prend sa défense, arguant de son action à Moreuil7. Puis le cardinal-ministre dépêche Monsieur de Saint-Preuil à la Cour, officiellement pour porter des nouvelles, en réalité pour recevoir le pardon du Roi et le gouvernement d’Ardres, en Artois, en récompense des services rendus8.
Au printemps 1637, Richelieu signale sa présence à Saint-Omer9. Le cardinal-ministre félicite alors Saint-Preuil pour le gouvernement de Ardres, et de la prise, sous son commandement, du château de Fouxquesoles aux Espagnols10.
Au printemps 1638, Monsieur de Saint-Preuil se prend à nouveau de querelle, cette à fois avec Henri de Senneterre, baron de La Ferté : Richelieu demande au maréchal de Châtillon de réconcilier les protagonistes11. Au mois d’août, il est chargé de conduire des troupes de renfort d’Abbeville à Monsieur du Hallier12. Le corps d’armée commandé par Monsieur de Saint-Preuil en Picardie compte 4500 hommes13.
Au printemps 1640, Monsieur de Saint-Preuil escorte un convoi de vivres ou de munitions de Doullens à Lucheux14, puis, en qualité de maréchal de camp, il contribue à la prise d’Arras le 9 août 1640.
Mais les abus auxquels il se livre vis-vis des habitants de la ville conduisent à son arrestation, sur ordre du Roi, le 24 septembre 164115. Deux jours plus tard, Richelieu assure Louis Lemaistre, seigneur de Beljambe, intendant d’armée, que Saint-Preuil “n’entrera jamais dans le gouvernement d’Arras”16.
Il est jugé, condamné à mort, et exécuté à Amiens le 9 novembre 1641, pour les exactions commises aux dépens des populations d’Arras et de Doullens, mais également en raison de l’attaque qu’il a menée contre la garnison espagnole de Bapaume, que le marquis de La Meilleraye avait autorisée à se retirer17. C’est précisément Lemaistre-Beljambe qui mène l’instruction judiciaire18. L’exécution de Saint-Preuil a fait l’objet d’un récit imprimé, Récit véritable de tout ce qui s’est passé, depuis que M. de Sainct-Preuil fut arresté, jusques à la mort, joint au Journal de Monsieur le cardinal de Richelieu qu’il a faict durant le grand orage de la Cour…, dans son édition de 1648.
Richelieu déplore encore son attitude en mai 164219.
Voir aussi Pierre Grillon, Les papiers de Richelieu : index des tomes I, II et III, corrections et additions (1624-1628), Paris, A. Pédone, 1980, p. 110 ;
Pierre Grillon (éd.), Les Papiers de Richelieu, section politique intérieure, correspondance et papiers d’État. Tome IV : 1629, Paris, A. Pédone, 1980, p. 386, notes 2 et 5.
- Hélène Fernandez-Lacôte, Les procès du cardinal de Richelieu : droit, grâce et politique sous Louis le Juste, Seyssel, Champ Vallon, 2010, p. 287. [↩]
- Chevalier de Courcelles, Histoire généalogique et héraldique des pairs de France…, tome neuvième, Paris, chez l’auteur et chez Artus Bertrand, 1828, p. 22-23 famille de Chabans. [↩]
- Voir Richelieu au maréchal de Schomberg, Brouage, 26 octobre 1627, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France,tome II, p. 681-684 et Pierre Grillon (éd.), Les papiers de Richelieu, section politique intérieure, correspondance et papiers d’État. Tome II : 1627, Paris, éditions A. Pédone, 1977, p. 599 ; voir aussi le courrier que le maréchal de Schomberg adresse à Richelieu, du camp de La Rochelle, le 27 octobre 1627, dans Pierre Grillon (éd.), tome II, ouvrage cité, p. 602-603. [↩]
- Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome II, p. 682-683 ; voir aussi la notice bibliographique de l’opuscule au catalogue général de la Bibliothèque nationale de France, disponible en ligne, consulté le 02/10/2024. [↩]
- Voir le courrier que Louis XIII adresse à Richelieu, de Paris, le 16 août 1636, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome V, p. 546. [↩]
- Richelieu au comte de Chavigny, 19 août 1636, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome V, p. 553. [↩]
- Richelieu au comte de Chavigny, 20 septembre 1636, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome V, p. 581. [↩]
- Richelieu au comte de Chavigny, Abbeville, 3 et 4 novembre 1636, et Richelieu au comte de Chavigny, Amiens, 7 novembre 1636, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome V, p. 655, p. 659 et p. 663. [↩]
- Richelieu à Louis XIII, Rueil, 10 mars 1637, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome V, p. 75761, voir p. 760. [↩]
- Richelieu à Saint-Preuil, 9 mai 1637, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome V, p. 1018. [↩]
- Richelieu au maréchal de Châtillon, 26 mai 1638, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome VII, p. 189. [↩]
- Richelieu à Louis XIII, Picquigny, 18 août 1638, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome VI, p. 90. [↩]
- Mémoire de Richelieu rédigé à Abbeville, le 8 août 1638, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome VIII, p. 337. [↩]
- Richelieu au duc de Chaulnes et au maréchal de Châtillon, 21 juin 1640, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome VII, p. 263. [↩]
- Denis-Louis-Martial Avenel signale un courrier que Louis XIII adresse au duc d’Orléans, à la fin du mois de septembre, pour expliquer les raisons qui ont conduit à l’arrestation de Monsieur de Saint-Preuil, voir Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome VII, p. 297. Le document a été imprimé avec l’Arest fait de la personne de Monsieur de Saint-Preuil, paru à Paris, en l’isle du Palais, 1641, 7 pages. [↩]
- Dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome VII, p. 878. [↩]
- Voir Hélène Fernandez-Lacôte, Les procès du cardinal de Richelieu : droit, grâce et politique sous Louis le Juste, ouvrage cité, p. 96-102, p. 270, 273, 278. [↩]
- Hélène Fernandez-Lacôte,ibidem, p. 216. [↩]
- Richelieu à François Sublet de Noyers, 1er mai 1642, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome VI, p. 908. [↩]
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Marie-Catherine Vignal Souleyreau (3 octobre 2024). Jussac d’Ambleville (François, seigneur de Saint-Preuil). Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 12 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12eu1