Texte 890, année 1632, 14 juillet, le maréchal de La Force à Richelieu

Le maréchal de La Force à Richelieu, Roanne, 14 juillet 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 802, f° 274-275. Le texte original a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 331-332.

Monseigneur,

J’ai cru que je devais donner connaissance au Roi de mon voyage et de l’état des troupes que j’ai ici, ce que je ne pouvais mieux faire que par le sieur de Nogent qui a été présent à tout. Je l’ai chargé d’un mémoire pour éclaircir toutes choses plus au long, auquel je me remettrai, et vous donnerai avis, Monseigneur, d’une particularité que j’ai apprise. 

J’avais vu, à deux journées d’ici, que l’on avait porté à Monsieur [le duc d’Orléans] deux cents mille livres à Vichy. On tenait que cela était venu du côté d’Orléans. Depuis, on m’a assuré que c’était par le moyen d’un banquier de Lyon nommé Mascarani1. Et étant en ce lieu, j’ai su par le maître de la poste d’ici que, lorsque Mondit sieur était à Avrilly, il passa ici un courrier qui disait courre pour le service du Roi. Quand il fut à un quart de lieu, l’épée à la main, il contraignit le postillon de le mener audit Avrilly, et le lendemain s’en retourna à Lyon. Celui-là avait un pouce de la main à dire. Il dit au postillon qu’il était allé porter une lettre à un frère dudit Mascarani qui était avec Monsieur. Si je faisais du séjour de-deçà, je tâcherais d’éclaircir cette affaire, mais votre prudence saura y apporter ce qui se doit.

Je ne doute point, Monseigneur, que vous ne soyez dument informé de tout ce que peut faire Monsieur. Mais je vous supplie trouver bon que je vous dise qu’il court des bruits q’il a de grands desseins, et qu’il fait état de mettre sur pied une forte et grande armée, qu’il importe au service du Roi, selon mon avis, de s’y opposer par de puissants moyens, de bonne heure, car, si l’on lui donne le temps et le loisir de prendre quelque établissement, il sera malaisé après, vu le naturel du Français qui court aux nouveautés, d’y bien remédier. 

J’espère, avec l’aide de Dieu, ne perdre ni temps ni moyen de rendre à Sa Majesté le service que je dois, et vous témoigner, Monseigneur, par toutes mes actions, combien je tiens cher la confiance qu’il vous plaît prendre de moi. J’ai passé ces jours ici, en votre maison de Paray. M. de Saint-Germain2 voulut à toute force me faire loger au château, où il me reçut si dignement qu’il ne se pourrait mieux. Je désire être si heureux que toutes mes actions puissent répondre à la ferme résolution que j’ai de vous honorer tant que je vive, et pouvoir rendre à vos commandements ce que doit, Monseigneur, votre très humble, très obéissant et très fidèle serviteur, 

Caumont La Force

Ce XIIII juillet, au camp de Roanne

Monseigneur, achevant ma dépêche, est arrivé ici le sieur Croyzet pour me faire entendre comme il avait arrêté le sieur de Boisdehaut avec un petit laquais, chargé de lettres pour Bruxelles, lesquelles il dit avoir été envoyées à Sa Majesté par le lieutenant de Moulins, ainsi que je mets plus au long par le dernier article de mon mémoire, auquel je me remets et à ce que le sieur de Nogent vous en pourra dire de bouche. J’ai dépêché M. de Saint-Germain vers ledit sieur lieutenant afin de savoir s’il y a aucune particularité dont je doive être instruit pour le bien du service de Sa Majesté.

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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  1. Il s’agit de Paul II Mascranny, frère de Barthélemy Mascranny. []
  2. Peut-être s’agit-il de Jacques Artaud de Saint-Germain d’Apchon, la généalogie de la famille d’Apchon reste cependant difficile à établir avec certitude. []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marie-Catherine Vignal Souleyreau (6 octobre 2024). Texte 890, année 1632, 14 juillet, le maréchal de La Force à Richelieu. Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 8 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12fcz


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