Le marquis de Châteauneuf à Richelieu, Paris, 19 juillet 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 802, f^° 282-283. Mise-au-net de la main d’un secrétaire, dont la transcription a été publiée dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 339-341.

J’ai vu le président de Bellièvre et le procureur général¹, qui disent chacun en leur particulier que Venant mérite la mort, et que, s’ils étaient ses juges, ils le condamneraient à la mort. Le premier néanmoins dit qu’il n’ose promettre ce que fera la compagnie, et d’autant plus que le premier président [au parlement de Paris, Nicolas Lejay] est de cet avis, et qu’il semble que le Parlement soit bien aise de ne se point mêler des affaires de Monsieur [le duc d’Orléans], puisque l’on lui en a ôté la connaissance. Somme que je vois bien qu’il n’y a rien de certain parmi eux. Il faut néanmoins y pourvoir. La chambre de l’Arsenal n’y fait point de difficulté. 

Le prévôt de Paris [Louis Séguier] dit aussi qu’il doute que le Châtelet le voulût juger à mort, et qu’il n’est pas assez accrédité pour répondre de sa compagnie. Si l’on le renvoie au Parlement, peut-être le jugera-t-il à mort ou, du moins, aux galères. La chambre de l’Arsenal ira plus roidement. Il n’y a qu’à choisir de ces deux. Sur quoi j’attendrai la volonté du Roi, et le lendemain j’y ferai travailler.

Pour la déclaration, M. de Bullion a fort bien tout recueilli. Nous porterons tous les usages et les exemples au Roi de ce qui s’est fait en semblables occasions. Vous y prendrez après les résolutions qu’il vous plaira.

Pour Boisdelou et Lemaire, j’ai envoyé une commission au présidial de Moulins pour leur parfaire leur procès, suivant la rigueur des ordonnances. Mais je doute qu’il les condamne à mort, n’étant et l’un et l’autre que serviteurs domestiques de Monsieur, ainsi n’étant accusés que de l’avoir suivi et [d’avoir] désobéi aux défenses. Peut-être serait-il aussi bon de les tenir en prison ?

Pour le baron de Toussy, je lui fais faire son procès par le prévôt de Touraine, auquel j’ai mandé d’arrêter tous les dénommés dedans le procès-verbal et les mener à Tours.

L’affaire de ce grand nombre de procureurs qu’a fait le premier président ici fait grand bruit. Et de vérité, il a tort au préjudice des édits du Roi, sans en avoir parlé et sans nécessité. J’ai fait retirer la liste et les édits. Le Roi y pourvoira comme il lui plaira.

La Bastille est trop pleine de prisonniers. Il serait besoin de l’en délivrer et en mettre quelques-uns au loin. Cela ne se peut faire qu’étant près de nous. J’attendrai, s’il vous plaît, votre réponse sur le fait de Venant, et au premier jour j’y ferai travailler.

Le président [Christophe] Fouquet se gouverne fort mal en Bretagne. Il s’est opposé à la réception de Brénugat, et a parlé un petit [peu] libertinement. Il mérite que le Roi le fasse venir pour mener ici. C’est un dangereux esprit qui veut imiter <Chastelet>, lequel il a été voir à Tours. 

Il part une voiture de six cents mille livres pour aller en Allemagne. Je mande à M. de La Vrillière qu’il parle au Roi pour lui faire donner escorte jusqu’à Toul, et de là M. de Feuquières a charge de la faire conduire.

Pour les prêts des régiments, ils sont faits. Sabattier est ici qui dit que ceux de Picardie iront jusqu’à la fin d’août. Il a passé aux portes de cette ville le régiment de pied qui a saccagé tous les villages. J’ai envoyé Sabattier et le prévôt après, sur les plaintes de tous les bourgeois, et ne crois pas qu’il ait route pour passer ici et tirer vers Étampes. 

De Paris, ce samedi, à six heures du soir

J’oubliais à vous dire que dedans la lettre que vous m’avez écrite, il y en a une signée de du Plessis, envoyé à Bruxelles, qui assure que Monsieur va en Languedoc et à Albi, où il doit trouver du canon. Il y en a une autre sans dessein que je crois écrite par la [Reine mère] qui dit la même chose et ajoute que le roi d’Espagne doit fournir dix mille hommes de pied pour joindre à la cavalerie de Monsieur. Le député de la ville de Toulouse qui est ici m’a dit n’y avoir aucun canon dedans Albi et que lui-même les avait, l’année passée, faits conduire à Toulouse.

1. Le procureur général au parlement de Paris, Mathieu Molé ou le procureur général à la chambre de l’Arsenal, René de Voyer, comte d’Argenson. [↩]

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