Gaspard Dugué, baron de Bagnols, à Richelieu, Pont-Saint-Esprit, 31 juillet 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 802, f^° 301-302. Original autographe, dont la transcription a été publiée dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 363-364.

Monseigneur,

Vous avez été jusqu’à présent amplement informé de ce qui s’est passé en cette armée, et le serez encore plus particulièrement par la mémoire que j’écris à M. de La Vrillière. Vous jugerez, Monseigneur, qu’il est très important de faire pourvoir promptement sur le contenu en icelui, puisque de là dépend la subsistance de cette armée. L’arrivée de Monseigneur le maréchal de La Force a été grandement utile en cette province pour assurer et maintenir les villes en l’obéissance du Roi, à quoi on travaille incessamment, et ne se voit d’heure à autre que des consuls des villes qui viennent assurer de leur fidélité au service de Sa Majesté. Si le bonheur eut voulu que ledit seigneur maréchal fût arrivé huit jours plus tôt, et que nous eussions peu gagner Montpellier, j’estime que nous eussions garanti Bagnols, Lunel et Béziers. Mais il est très vrai qu’il n’a été perdu aucun temps et qu’on a usé de toute la diligence qu’on a pu. 

Si Monseigneur le maréchal de Schomberg vient [en] cette armée, et qu’on soit munis de canons et munitions de guerre, je ne doute point que cela ne fasse revenir beaucoup de personnes mal affectionnées, et plus à dessein pour avoir des emplois qu’autrement. C’est pourquoi, Monseigneur, j’estimerais qu’il serait très à propos d’envoyer des commissions en blanc, soit pour la cavalerie légère, ou pour l’infanterie, afin de les remettre aux personnes qui sont jugées capables de servir, ce que faisant l’on rendra les armes du Roi plus puissantes contre les desseins de ses ennemis. 

Je suis obligé, Monseigneur, de vous dire que ceste armée est grandement dépourvue d’officiers pour n’y avoir qu’un seul maréchal de camp, qui est M. le marquis de La Force. Il serait très nécessaire que Messieurs de <…> et de Noailles, destinés pour servir en ladite armée, se fussent rendus en leurs charges, parce qu’il est très vrai que ledit seigneur maréchal de La Force a besoin d’être aidé et soulagé. En mon particulier, il faut que je joue toutes sortes de personnages pour n’y avoir ni intendant de justice, ni officiers des vivres, ni aucun commis de l’extraordinaire, ce qui est très nécessaire, et souhaite avec grande impatience la jonction de Monseigneur le maréchal de Schomberg, que j’estime très nécessaire. 

M. de Montréal, qui a grand crédit dans le Vivarais, vient de nous assurer de sa fidélité. Et, si ce qu’il dit est vrai, M. de Montmorency a délivré des commissions pour faire vingt-quatre régiments, dont je ne pense pas qu’il en puisse venir à bout, étant très certain qu’ils sont dépourvus d’argent et d’armes. La présence du Roi et la vôtre seule, pourra dissiper tous mauvais desseins et rendra un chacun en son obéissance. Je vous tiendrai averti, Monseigneur, très ponctuellement de ce qui se passera, et servirai le Roi sous vos commandements avec courage et fidélité, comme étant sans aucune condition, Monseigneur, votre très humble, très obéissant, fidèle et obligé serviteur, 

du Gué

Camp du Saint-Esprit

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