Pierre Isaac Arnauld († 1651), seigneur de Corbeville (aujourd’hui commune d’Orsay), est le fils d’Isaac I^er Arnauld, seigneur de Corbeville et de La Roche, avocat, secrétaire du duc de Sully, intendant des finances en 1605, et de Marie Perrin de Saint-Valiez († 1610). Il est aussi le neveu de l’avocat au Parlement, Antoine Arnauld, le cousin germain de Robert Arnauld d’Andilly et, par sa soeur, Anne Arnauld, le beau-frère du marquis de Feuquières.

D’abord intendant des finances comme son père, il préfère la carrière des armes.

Dès 1616, il lève une compagnie de carabins qu’il commande au siège de Soissons en 1617, puis, en 1620, au siège de Caen (juillet), à la bataille des Ponts-de-Cé (août) et à la soumission du Béarn (octobre).

En 1621, il se trouve à la tête de son contingent aux sièges de Saint-Jean-d’Angély, de Clairac, de Montauban et de Monheurt.

Selon M. Pinard, il devient mestre de camp au régiment de carabins de son oncle, Pierre Arnauld du Fort († 1624), sur la démission en sa faveur de ce dernier, par commission en date du 1^er avril 1622, puis prend part aux sièges de Saint-Antonin et de Montpellier.

On le retrouve en 1627-1628 engagé au siège de La Rochelle au cours duquel il négocie avec le maire de la ville, Guiton, la reddition des rebelles protestants.

En 1629, il engage ses troupes à l’attaque du Pas-de-Suze, aux sièges de Privas et d’Alès, puis, en 1630, à la campagne de Savoie. Monsieur de Corbeville rejoint alors le maréchal d’Estrées placé à la tête de l’armée du duc de Mantoue, et se rend à Venise où il obtient l’intervention armée de la Sérénissime en Milanais. L’engagement de Venise, mise en difficulté par l’empereur Ferdinand II, n’est cependant pas suivi d’effet.

Au cours de l’été 1632, il est engagé, à la tête de son contingent de carabins, dans l’armée placée sous le haut commandement du maréchal de Schomberg pour s’opposer à la progression, en Auvergne puis en Languedoc, de l’armée du duc d’Orléans, entré en dissidence, et qui rejoint alors celle du duc de Montmorency¹. Les carabins d’Arnauld de Corbeville viennent, à la demande du maréchal de Schomberg, en renfort des troupes du marquis de Brézé durant les tout premiers jours d’août². Selon M. Pinard, il reçoit commission, le 17 août, pour lever un régiment d’infanterie à son nom et s’illustre le 1^er septembre, lors de la bataille de Castelnaudary. L’inventaire des archives de la Défense, indique quant à lui qu’il devient mestre de camp général des carabins en 1622 et qu’il est mestre de camp d’un régiment de carabins de 1632 à 1635³.

En 1633, il accompagne le marquis de Feuquières en Allemagne. Début 1634, il tente même de convaincre Wallenstein de trahir l’Empereur au profit du roi de France, mais, une nouvelle fois, Ferdinand II déjoue la manœuvre et fait exécuter Wallenstein.

Il est également introduit par Robert Arnauld d’Andilly, à l’hôtel de Rambouillet et devient l’un des fidèles de la princesse de Condé.

En septembre 1634, il est pourvu du gouvernement de Philippsbourg, place forte construite sur ordre de Philippe Christophe von Sötern, électeur-archevêque de Trèves, sur la rive droite du Rhin, à 3 km en amont de Spire. La forteresse est placée sous son commandement après l’assentiment à un commandement français de la place, le 26 août précédent, de l’assemblée de Francfort, réunissant les alliés protestants allemands du roi de France adhérents à la ligue d’Heilbronn, et grâce aux négociations menées par le marquis de Feuquières. Puis, en septembre, l’archevêque de Trèves lui-même, menacé à la fois par les troupes protestantes engagées dans le Saint-Empire et par les troupes impériales, accepte l’accord donné au roi de France. Sept compagnies envoyées sur place sont relevées, vers le 15 novembre 1634, par six compagnies françaises du régiment d’Arnauld de Corbeville. Le duc de Wurtemberg a aussi envoyé sur place des compagnies allemandes, prévues au traité de Francfort dès 1633⁴. Arnauld de Corbeville les avait jusqu’alors refusées, en raison de leur peu de valeur. Il a été contraint de les accepter afin de respecter les accords passés avec les Suédois⁵. La nouvelle garnison à peine installée est ravagée par une épidémie de peste, d’autant plus difficile que le Rhin et les marais alentour sont pris par les glaces et que les Impériaux campent non loin de là. Arnauld réclame des secours au Roi. Le général Gallas, au service de l’empereur Ferdinand II, renseigné par le colonel Bamberg qui a été pendant quatorze ans gouverneur de Philippsbourg, décide de profiter de la situation, de passer à l’attaque et en ordonne l’assaut à la faveur de la nuit⁶. L’attaque se produit le 23 janvier au soir. Philippsbourg est prise par l’ennemi dans la nuit, en raison de la trahison d’une partie de la garnison, allemande, qui s’est entendue avec les troupes de Gallas. Capturé et blessé dans l’exercice de ses fonctions, Pierre Isaac Arnauld de Corbeville est conduit près de Stuttgart, à Esslingen, d’où il parvient à s’échapper en mai et à regagner la France. Il est alors embastillé à sa demande, pour être en mesure de se justifier. Selon les Mémoires de Richelieu, Louis XIII ordonne sa libération en le dégageant de toute responsabilité⁷. Un courrier que Louis XIII adresse à Richelieu le 12 janvier 1638, en contradiction avec les Mémoires de Richelieu, révèle cependant que le Roi tient Arnauld de Corbeville responsable de la déroute française à Philippsbourg⁸.

Un résumé des arguments plaidant en faveur d’Arnauld de Corbeville, rédigé vers le début 1635, intitulé Responces aux objections que l’on peut faire sur la prise de Philipsbourg, est conservé parmi les papiers d’État de Richelieu⁹. Le texte est évoqué par Tallemant des Réaux, dans l’Historiette qu’il consacre à Pierre Isaac Arnauld de Corbeville¹⁰. Robert Arnauld d’Andilly reprend l’affaire dans ses Mémoires, comme il le fait également pour le marquis de Feuquières, capturé à Thionville en 1639¹¹. Les rigueurs hivernales dans la région rhénane sont par ailleurs corroborées par plusieurs correspondants de Richelieu : par le chevalier de Sansons, témoin des événements, qui, le 25 janvier, confirme la bonne foi d’Arnauld de Corbeville et que l’ennemi est descendu sur la glace à Philippsbourg¹² ; puis par Urbain de Maillé-Brézé, beau-frère de Richelieu à qui il écrit le 22 février, de Weimar¹³.

Dès le 16 mai 1635, il obtient un régiment de carabins qu’il conserve jusqu’à sa mort. 

Il sert ainsi aux sièges de Corbie (1636), de Landrecies, Maubeuge et La Capelle (1637), de Saint-Omer (1638), de Hesdin (1639), d’Arras (1640), d’Aire-sur-la-Lys, de La Bassée et de Bapaume (1641). En décembre 1642, Arnauld de Corbeville entreprend un nouveau siège de La Mothe, dont le duc Charles IV de Lorraine avait pu reprendre possession après la bataille de Liffol-le-Grand.

Il est promu maréchal de camp par brevet du 22 avril 1644 et combat à Fribourg. Un ordre en date du 21 juillet lui enjoint de rassembler à Verdun des troupes destinées au renfort du duc d’Enghien. Il les conduit à Philippsbourg et à Landau avant de regagner Verdun pour l’hiver.

De nouvelles instructions royales en date du 5 mai 1645 lui octroient, sous l’autorité du duc d’Enghien, le commandement de l’armée d’Allemagne qui s’assemble. Il contribue à la prise de Lichtenau et se distingue encore à la seconde bataille de Nördlingen, en 1645, sous les ordres du maréchal de Gramont. Le 19 juillet, le Roi lui accorde le gouvernement du fort de Linck. En novembre de la même année, il se rend au siège de Trèves, sur ordre de Turenne : la place se rend le 19.  

Il passe une partie de l’année 1646 à Linck et sert au siège de Dunkerque.

En 1647, il est engagé en Catalogne, sous les ordres du duc d’Enghien devenu prince de Condé. Il se démet alors du gouvernement du fort de Linck. Il est blessé et capturé durant la bataille de Lérida, avant d’être secouru et ramené au camp français. En septembre, il donne l’assaut à la ville d’Áger et combat à Constantina.

En 1648, il combat encore en Flandres sous l’autorité du Grand Condé : il est blessé au siège d’Ypres et participe à la bataille de Lens. 

L’année suivante, il se trouve au blocus de Paris.

En 1650, il obtient du prince de Condé, grâce à la sœur de ce dernier, Anne-Geneviève, duchesse de Longueville, les gouvernements du château de Dijon, de Saint-Jean-de-Losne et de Verdun-sur-le-Doubs¹⁴.

Il a épousé, en 1634, Marie Barin de La Galissonnière, veuve de Jean de La Barre, et décède en octobre 1651.

Voir aussi Edme-Jacques Genet (éd.), Table ou abrégé des cent trente-cinq volumes de de la Gazette de France depuis son commencement en 1631…, Paris, imprimerie de la Gazette de France, 3 volumes, 1766-1768, tome premier, p. 45 ;

M. Pinard, Chronologie historique-militaire…, Paris, chez Claude Hérissant, 1760-1778, 8 volumes, tome VI, p. 184-186 ;

Katia Béguin, Les princes de Condé : rebelles, courtisans et mécènes dans la France du Grand Siècle, Seyssel, Champ Vallon, 1999, p. 397.

Textes 927, 940, 

1. Voir le courrier que le maréchal de Schomberg adresse à Richelieu, de Maringues, le 1^er août 1632, translation publiée en ligne, texte 927. [↩]
2. Ibidem. [↩]
3. Inventaire des archives de la Guerre des origines au règne de Louis XIII, 1570-1643, tome III, index général, p. 35-36, Vincennes, Service historique de la Défense, 2010, voir p. 35-36, ouvrage disponible en ligne, consulté le 14/11/2024. [↩]
4. « Traité de confédération et alliance entre Louis XIII, roi de France, et les primats et États confédérés des cercles et provinces électorale du Rhin, de la Franconie, de Souabe, et de la Haute province du Rhin, à Francfort, l’an 1633, le 15 septembre, conformément au traité que dessus de même an, le 9 d’avril avec la reine de Suède », conservé à la Bibliothèque nationale de France, coll. Cinq cents de Colbert, vol. 302, f° 35 r°-38 v°. [↩]
5. En vertu du traité séparé du 9 avril 1633 unissant la France et la Suède, avant que ne soient signés, le 13, les accords constitutifs de la ligue d’Heilbronn entre la Suède et quelques états protestants de l’Empire. Le traité d’Heilbronn est conservé au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Suède, vol. 3, f° 49-56 ; et à la Bibliothèque nationale de France, coll. Cinq cents de Colbert, vol. 302, f° 22 r°-33 r°. Il a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Richelieu à la conquête de la Lorraine. Correspondance : 1633, Paris, éditions L’Harmattan, 2010, p. 189-195. [↩]
6. Mercure françois, tome 20, années 1634-1635, p. 898, ouvrage cité, consulté le 23/05/2024. [↩]
7. Joseph-François Michaud et Jean-Joseph-François Poujoulat, Mémoires du cardinal de Richelieu, Paris, chez l’éditeur du Commentaire analytique du Code civil, 1837-1838, trois volumes, Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France ; puis à Paris, chez Guyot frères, 1853, en 3 volumes, aux tomes 7, 8 et 9 de la Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France, 2^ème série, tome VIII, p. 580. [↩]
8. Voir le texte 940. [↩]
9. Responces aux objections… sur la prise de Philipsbourg, janvier 1635. Le document manuscrit original est conservé au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 813, f° 66-70. Il a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), “La raison de guerre” : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1635, Paris, éditions L’Harmattan, 2016, p. 99-106. [↩]
10. Il fait en effet partie d’une plaquette imprimée en 1635 par Robert Arnauld d’Andilly, et intitulée Relation véritable de tout ce qui s’est passé en l’affaire de Philipsbourg avec la réponse aux objections que l’on peut faire sur sa prise. Le document est conservé à la Bibliothèque nationale de France, sous la cote 4-LB36-3048. Le père Jacques Lelong indique à son propos, dans sa Bibliothèque historique de la France…, nouvelle édition par M. Fevret de Fontette, tome second, Paris, imprimerie de Jean-Thomas Hérissant, 1769, p. 473 : « C’est la justification de M. Arnaud qui avait rendu cette place. » Voir Antoine Adam (éd.), Tallemant des Réaux : Historiettes, Paris, Gallimard, 1960, 2 volumes, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. 1, p. 500-504 et p. 1128-1133. [↩]
11. Robert Arnauld d’Andilly écrit : « voilà au vrai de quelle sorte s’est passée l’affaire de Philisbourg, et je n’ai pu m’empêcher de le rapporter si particulièrement, par l’indignation que j’ai… », dans Régine Pouzet (éd.), Mémoires [de Robert Arnauld d’Andilly], suivis des Mémoires d’Antoine Arnauld dit l’abbé Arnauld, Paris, Honoré Champion, 2008, p. 51-52. [↩]
12. « Le vingt-quatrième de janvier dernier, sur les quatre heures du matin, la place de Philipsbourg fut assaillie par les ennemis du côté du bastion de la Reine, qui était ce soir-là gardé par les Allemands. […] Cependant, les ennemis entrèrent en grand nombre et se divisèrent en trois gros, l’un desquels donna vers la porte rouge, l’autre vers la porte blanche, et faisant le tour des remparts forcèrent tous les postes que nous soutenions. Le troisième gros donna dans la ville droit à la place d’armes, où ledit sieur d’Arnaut s’était retiré pour y prendre des hommes après avoir été blessé sur le rempart, lequel ne pouvant résister au gros qui venait contre lui, il se retira dans le château et en la retraite il fut encore blessé d’une mousquetade à la tête et suivi de si près par les ennemis qu’ils abordèrent à même temps le pont-levis et étant descendus sur la glace, y firent appliquer le feu et sommèrent ledit sieur Arnaut de se rendre, à quoi il ne voulut donner consentement. », Mémoire du chevalier de Sansons, vers le 25 janvier 1635, conservé au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 813, f° 53-54. [↩]
13. Urbain de Maillé-Brézé à Richelieu, Weimar, le 22 février, de Weimar :  « Votre Éminence sait, Monseigneur, que cette place [Philippsbourg] n’a pas autant de bonté que de réputation, elle a de très grands défauts, mais principalement durant les glaces, elle ne vaut rien du tout. Il est certain qu’on les peut rompre, mais ce n’est que lorsqu’elle [sic] n’ont qu’une certaine épaisseur, car quand elles viennent à avoir dix ou douze pieds, cela ne se peut plus, et encore moins quand toute l’eau est gelée jusqu’à la terre, comme elle l’était dans la plupart des fossés de cette place lorsque les ennemis la prirent, dans laquelle on faisait aussi bonne garde et aussi soigneuse qu’il se peut ; aussi n’ont-ils pas été surpris, mais forcés. Les bastions sont extraordinairement bas et talués [sic], le bonhomme Mortière y montait sans aide, et c’est cela qui est cause de sa perte, la plupart des soldats y ont assez bien fait, mais tous les chefs se sont faits tuer ou prendre sur les bastions, et Monsieur d’Arnault fut enveloppé par la multitude, faisant tout ce qu’un homme peut faire, et pris blessé de deux ou trois grands coups et de plusieurs autres favorables, un seul de tous les officiers n’a échappé [à] la mort ou [à] la prison, et il est certain qu’ils se sont fort longtemps défendus. Le reste du particulier ne se peut savoir, car ceux qui s’en sont sauvés sont des soldats qui se jetèrent par-dessus les bastions à la faveur de la nuit, sans attendre la fin du combat… », dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), « La raison de guerre »…, ouvrage cité, p. 126. [↩]
14. Régine Pouzet (éd.), Mémoires…, ouvrage cité, p. 169 ; E. Beauvais, « La jeunesse du maréchal de Chamilly, notice sur Noël Bouton et sa famille de 1636 à 1667 », Mémoires [de la] Société d’histoire, d’archéologie et de littérature de l’arrondissement de Beaune, année 1884, publiés en 1885, p. 255-364, voir p. 283. [↩]

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