Le maréchal de Schomberg à Richelieu, Maringues, 1^er août 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 802, f^° 317-318. Original de la main du secrétaire du maréchal de Schomberg, Jean-Baptiste Baltazar, à l’exception de la signature, du premier post-scriptum et de la date, autographes, dont la transcription a été publiée dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 368-370. 

La lettre que Monseigneur le cardinal m’a fait l’honneur de m’écrire du Bois-le-Vicomte, en date du 28^me juillet, m’a été rendue à Maringues le 30^me au soir. Mondit seigneur le cardinal a reçu dépêches de moi depuis ce temps-là par le fils de M. de Saint-Chamond¹ et par le baron de Saligny, qui lui auront fait connaître qu’avant avoir reçu ses commandements, j’étais dans les mêmes pensées qu’il me fait connaître avoir, auxquelles je suis bien fortifié, puisqu’elles lui agréent.

J’ai déjà parlé à quelques personnes de qualité de ce pays-ci pour prendre des commissions de chevaux légers. Mais je les ai trouvés bien froids. J’essaierai de les échauffer et attends des nouvelles de quelques-uns de Limousin, à qui j’ai fait écrire pour venir prendre emploi. Mais tout cela ne retardera pas d’une heure mon acheminement droit où seront les troupes de Monsieur [le duc d’Orléans].

J’ai avis assuré que l’on a levé aussi publiquement pour Monsieur dans le Limousin, la Marche et Périgord que si c’eut été pour le Roi, sans que MM. de Pompadour, de Bourdeille et de Beaupré s’en soient en façon du monde remués. Cela mérite que le Roi leur en fasse une rude remontrance. Ces levées-là ne seront pas moindres de 4 ou 500 chevaux, dont parties sont déjà passées, et d’autant que Sauvebœuf et quelques autres s’assemblent encore dans la vicomté de Turenne et font état de passer la Dordogne à Argentat, suivant les avis qui m’en ont été donnés, lesquels je tiens assurés. 

Je fais partir présentement M. le marquis de Brézé avec 300 maîtres  – ces 1300 [sic] maîtres sont composés des compagnies de chevaux légers de MM. Schomberg et Beauregard, et des carabins d’Arnault, Pré et Bideran – pour aller prendre le devant du chemin qu’ils doivent tenir, et espère qu’il ne reviendra point qu’il n’ait taillé en pièces ces troupes-là, lesquelles ne se tiendront point sur leur garde, me sachant encore loin d’eux. Ledit sieur marquis me doit venir rejoindre entre Saint-Flour et Rodez. Ce voyage ne me retardera en façon du monde, parce qu’il ne s’éloigne guère du chemin que je dois aussi bien tenir.

Le courrier que j’ai envoyé de Moulins à M. le maréchal de La Force n’est point encore revenu. Je lui ai envoyé le vôtre en compagnie d’un de ses gardes qui m’avait apporté de ses lettres. Je n’ai non plus réponse du courrier que j’ai envoyé aussi de Moulins au premier président de Toulouse [Jean de Bertier de Montrave], et craint qu’il vînt faute de lui avoir envoyé un duplicata par une autre voie.

La nouvelle de la montre de la cavalerie a réjoui toute cette armée. Que Monseigneur le cardinal me pardonne si je le supplie très humblement de faire que la volonté du Roi soit exécutée promptement.

J’ai un extrême déplaisir de la maladie de M. le maréchal d’Effiat, que je veux néanmoins espérer n’être pas telle qu’elle retarde le retour de l’armée du Roi en France. 

J’ai redépêché l’homme que M. l’évêque de Mende [Sylvestre Crugy de Marcillac] m’avait envoyé, et lui ai mandé que je le suppliais de faire savoir dans tout le Gévaudan et les Cévennes, qui sont la plupart de son diocèse, que si les villes demeuraient dans l’obéissance du Roi, elles se pouvaient promettre toute sorte de bon traitement, tant pour les élus que pour les autres soulagements qu’ils peuvent désirer du Roi. Mais si elles font le contraire, qu’elles perdront assurément tous les privilèges du pays et s’attireront une ruine assurée, puisqu’il n’y a point de forces dans l’Europe qui puissent empêcher Sa Majesté de faire tout ce qu’elle voudra en ce pays-là, y venant avec d’aussi grandes forces que celles qu’elle y amène. J’espère que le bruit de nos trompettes et nos menaces, avec la présence des armes du Roi dans le pays, retiendront une bonne partie de ceux qui ne se seront pas tant hâtés de se déclarer. 

Si les occasions me donnent moyen de mieux faire, Monseigneur le cardinal me fera bien l’honneur, je m’assure, d’assurer le Roi, et de croire que je n’y épargnerai point le soin, la peine ni la vie, ne songeant jour et nuit à autre chose qu’aux moyens par lesquels je puis avantager le service du Roi. Je crois que M. de Mende, sur ce que je lui ai écrit, commencera à mettre le régiment sur pied sans attendre les commissions du Roi. Il est au reste très nécessaire que la déclaration de Sa Majesté contre les entreprises de Monsieur et ceux qui le servent soit envoyée dans les provinces, car tous les jours Mondit seigneur écrit des lettres aux villes qui retiennent de ses prisonniers avec de grandes menaces, comme si elles étaient rebelles. J’ai au reste appris depuis que je suis en ce pays-ci que mon neveu de Briançon, oubliant ce qui est de son devoir envers le Roi, et la promesse par écrit qu’il m’a donnée de ne sortir point d’Anjou, a passé depuis peu en ces quartiers pour aller trouver Monsieur. Le Roi et Monseigneur le cardinal me feront, je m’assure, l’honneur de croire que j’en ai le plus sensible déplaisir du monde, et que s’il me tombait entre les mains, je le mettrais plus volontiers qu’un autre en celles d’un prévôt.

De Maringues, ce premier jour d’août 1632 

Schonberg

Je vous remercie très humblement de l’honneur que vous me faites de me mander des nouvelles de la femme de votre très humble et très obéissant serviteur. M. d’Alincourt me mande de Lyon, qui a nouvelles assurées de la défaite de Valschestein [sic, Wallenstein] par le roi de Suède. Si cela est, je m’en réjouis avec Monseigneur le Cardinal.

Depuis cette dépêche faite, celui que j’avais envoyé à M. le maréchal de La Force est de retour. Il me mande que Nîmes, Uzès et beaucoup de villes des Cévennes sont assurées, mais que Bagnols lui a refusé ses portes, et a tiré sur ses troupes, et que le château de Beaucaire l’a empêché de hasarder d’aller dans la ville, qui est bien affectionnée au Roi. Ledit sieur maréchal me presse toujours d’aller au Bas-Languedoc. Je l’estimerais bien à propos comme lui s’il n’y avait rien à craindre que de ce côté-là. Mais, y ayant autant de mal à craindre du côté du Haut-Languedoc, Gévaudan, Rouergue, Quercy et Foix, je crois que le Roi et Monseigneur le Cardinal approuveront la résolution que je pris de continuer mon chemin droit à Albi, Carcassonne et Narbonne. Et si, entre ci et là, je ne combats point les troupes de Monsieur, je crois qu’il ne me sera pas impossible d’aller joindre M. le maréchal de La Force s’il avance vers Sommières.

1. Il s’agit de Louis Mitte de Miolans de Chevrières. [↩]

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