Le maréchal de Schomberg à Richelieu, Saint-Flour, 9 août 1632.
Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 802, f° 340-341. Original de la main de Jean-Baptiste Baltazar, sauf la signature formule finale autographe, dont la transcription a été publiée dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 379-380.
Monseigneur,
Depuis la dépêche que je vous ai faite de Brioude1, j’ai reçu deux lettres dont vous m’avez honoré, sur le sujet de la mort de M. le maréchal d’Effiat, du 30 et 31me du mois passé, et parce que je vous ai déjà dit sur cela tout ce que je vous en saurais écrire, je ne vous arrêterai pas davantage dans une si triste pensée, et viendrai aux nouvelles de ces quartiers, qui sont que Monsieur [le duc d’Orléans] et M. de Montmorency donnent argent, lèvent de tous côtés et trouvent du monde.
J’ai envoyé offrir commission d’un régiment à M. de Polignac pour ses fils2, des gentilshommes des Cévennes, nommés La Roche3 et La Vernède4, qui m’ont envoyé dire être disposés à servir le Roi et ont de bonnes places en ce pays-là. J’en ai aussi offert au comte d’Ayen pour armer dans le Rouergue, et attends de tous ceux-là des réponses. Et pour des commissions de cavalerie, tous ceux à qui j’en ai parlé en ces pays-ci ne s’en veulent point charger, et n’en ai délivré qu’une à Saint-Georges, de la Marche, qui m’a fait dire être tout prêt à la mettre sur pied. J’eusse bien trouvé d’autres gens en Limousin, mais cela m’a semblé trop long du lieu qu’il faut servir. Cette raison-là m’a aussi empêché de faire emploi de noblesse volontaire dudit Limousin, parce qu’outre que ces gens-là ne vont pas d’ordinaire à 40 ou 50 lieues de leur pays, n’y ayant point d’ordre n d’obéissance parmi eux, j’eusse craint qu’ils m’eussent plus nui que servi.
Quelque bonne lettre que vous ayez écrit à M. de Mende, il me manda hier au soir qu’il avancerait volontiers sur votre parole, s’il avait de quoi, mais que n’ayant pas un teston, il ne pouvait mettre un homme sur pied, si je ne lui envoyais l’argent de sa levée, laquelle je juge si nécessaire que j’ai emprunté ici, avec toutes les peines du monde, la somme qu’il lui faut. Mais il me fait une autre demande avec autant de presse que celle-là, à laquelle je ne puis pourvoir, que de lui bailler la montre et le fonds pour la subsistance de son régiment, qu’il ne désire point prendre sur le pays, parce qu’il dit que cela révoltera tout le monde contre lui. Je crois qu’il est bien difficile de lui bailler ailleurs. C’est à vous, Monseigneur, à faire, s’il vous plaît, promptement pourvoir à lui envoyer les expéditions que vous estimerez nécessaires. Autrement, il ne fera rien, ou ce qu’il fera ne durera rien. Ledit sieur évêque de Mende me prie de vous supplier très humblement de lui faire bailler le gouvernement de la ville de Mende. Je crois que l’on ne saurait mieux faire, si quelqu’autre qui ne soit point contre le service du Roi n’en est pourvu.
J’ai dépêché à M. le premier président de Toulouse [Jean de Bertier de Montrave] pour être informé quel secours nous pouvons tirer de ladite ville pour l’artillerie, munitions de guerre et chevaux de trait, dont l’armée du Roi pourra avoir besoin, et m’informerai de tous côtés de ce qui se pourra faire, attendant que M. de La Meilleraye envoie ses ordres au sieur de La Boissière5, qui a été ordonné pour servir près de moi. Mais, comme je l’ai déjà mandé, il faut un mois de gages aux susdits officiers, à ceux des vivres et à ceux de l’armée.
M. le garde des sceaux [le marquis de Châteauneuf] m’a mandé qu’il ne vient point d’argent pour la compagnie de la Reine. Si cela est, M. de Chalvet proteste qu’il ne saurait retenir un homme6. Je vous supplie très humblement d’y faire pourvoir. Cependant, je gagnerai temps avec de bonnes paroles le mieux que je pourrai, car je ne pense pas pouvoir faire guère de deniers revenant bons sur la montre de la cavalerie légère. Je vous assure bien que ce qui s’en fera sera mis au profit du Roi.
M. le marquis de Brézé vous a déjà écrit comme ceux après lesquels je l’avais envoyé étaient passés cinq ou six jours avant qu’il pût être sur leur chemin, de quoi lui et moi avons reçu un extrême déplaisir. Je vous puis assurer, Monseigneur, qu’il s’acquitte fort soigneusement de sa charge, et au contentement, non pas seulement de moi, mais de toute l’armée.
J’écris si particulièrement à M. de La Vrillière sur le sujet de la route que je tiens et des raisons qui m’y obligent que je me remettrai à ce qu’il vous en fera voir, et finirai en priant Dieu qu’il vous conserve d’aussi longues et heureuses années que le désire, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur,
De Saint-Flour, ce 9me août 1632
M. de Chalusset a rencontré le comte de Clermont, qui s’en va solliciter un procès fort important à Dijon, et l’a assuré qu’il est entièrement détaché des intérêts et folie de ***.
- Voir le texte 933. [↩]
- En référence au vicomte Gaspard Armand de Polignac, et à ses fils Louis Armand et Melchior. [↩]
- On trouve aussi mention, pour la même année 1632, d’un sieur de La Roche, receveur des taille au diocèse de Mende. [↩]
- En référence à l’un des membres de la famille de Molen de La Vernède dont est issu Jacques de Molen de La Vernède. [↩]
- En référence à Claude de La Boissière ou à son frère Clary de La Boissière. [↩]
- La famille Chalvet de Rochemonteix ne compte pas moins de neuf garçons issus du mariage d’Antoine II Chalvet de Rochemonteix, tué au siège d’Ambert en 1577. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marie-Catherine Vignal Souleyreau (19 décembre 2024). Texte 942, année 1632, 9 août, le maréchal de Schomberg à Richelieu. Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 15 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12ysq