Jean-Pierre Camus de Saint-Bonnet (1584-1652), Lorrain d’origine, est le fils de Jean Camus, seigneur de Saint-Bonnet, gouverneur d’Étampes, et de Marie des Conte. Ordonné prêtre par le cardinal de Sourdis, il est nommé par Henri IV à l’évêché de Belley-Ars en 1608. C’est aussi un proche de François de Sales, qui le consacre en 1609. Il se fait connaître dès cette époque pour ses talents oratoires lors de ses prêches.

Député du clergé aux États généraux de 1614, il s’attèle à la réforme du clergé et des couvents dont le mode de vie s’est trop éloigné de l’ascèse et de la discipline monastique. Il résigne son évêché en 1629 en faveur de Jean de Passelaigue, mais n’en continue pas moins à être désigné selon cette titulature. Louis XIII lui attribue alors l’abbaye d’Aunay, en Normandie. Pamphlétaire brillant, il attaque, soit en chaire, soit dans ses écrits, les dérives disciplinaires des ordres mendiants.

Mais sa véhémence, outrancière, indispose Richelieu. Denis-Louis-Martial-Avenel rapporte cet échange entre le cardinal et l’évêque de Belley : « le seul défaut que je trouve en vous, lui aurait dit le cardinal [de Richelieu], c’est votre emportement contre les moines ; sans cela je vous canoniserais. – Plût à Dieu ! répartit l’évêque, nous aurions l’un et l’autre ce que nous souhaitons ; vous seriez pape, Monseigneur, et moi je serais saint. »¹.

Jean-Pierre Camus est l’auteur d’un nombre considérable d’écrits².

En 1631, après la parution trois ans plus tôt, du Triomphe de la religion chrétienne rédigé par un frère mineur observant, et célèbre prédicateur, Jean Boucher († 1633), Jean-Pierre Camus publie à son tour à Paris Le Directeur spirituel désintéressé, afin de défendre son point-de-vue.

En 1632, il récidive avec L’Antimoine bien préparé ou la Défense du livre de Monsieur l’évêque de Bellay intitulé le Directeur désintéressé, contre les réponses de quelques cœnobites. Les ordres réguliers sollicitent l’aide de Richelieu. Or les débats autour de l’administration des sacrements, de la hiérarchie au sein de l’Église, et de l’éventuelle prééminence de certains ordres, trouvent parallèlement une particulière acuité avec la publication en 1632 du Petrus Aurelius de l’abbé de Saint-Cyran. Au mois d’avril, Richelieu accorde son soutien aux réguliers. Les jésuites interviennent également auprès du cardinal-ministre et joignent leur voix à celles des autres réguliers, isolant ainsi les tenants du jansénisme³. Charles Montchal, archevêque de Toulouse, Henri d’Escoubleau de Sourdis, archevêque de Bordeaux, et Augustin Potier, évêque de Beauvais, quant à eux, font part de la position du clergé séculier, malgré la permanence de dissensions parmi ses membres⁴. Mais le nonce apostolique, Alexandre Bichi, ainsi que le père général des jacobins, Nicolas Ridolfi, refusent les propositions émises par les évêques, posant comme condition sine qua non à tout accord l’ajout de la formule « juxta decreta concilii Tridentini, et sub bene placito summi pontificis »⁵.

En 1633, Richelieu prend position et publie, chez Sébastien Cramoisy, un texte rédigé dès le mois d’avril 1632 pour soutenir les réguliers, Lettre à M. l’évêque de Belley sur le sujet des Religieux – 11 avril 1632 – [sic], avec la réponse dudit sieur évêque de Bellay. Jean-Pierre Camus, à la même date, fait paraître, « à L’Isle », Le Rabat-joie du triomphe monacal.

Au début de l’année 1634, le traité connaît une nouvelle édition. Puis paraissent La suite du Rabat-joie du triomphe monacal, sans lieu, Le traité de la désapropriation claustrale, et Le traité de la pauvreté évangélique, à Besançon, chez Jean Thomas. Un arrêt du Conseil privé du Roi, pris le 27 janvier 1634, en ordonne l’examen par un collège de cinq docteurs en théologie, réputés pour leur position ultramontaine,, André Duval, Nicolas Isambert, Jacques Lescot, Jacques Charton et M. Leclerc⁶. Tous appartiennent à la Sorbonne, dont Richelieu est le proviseur. L’impression et la diffusion des textes de Jean-Pierre Camus sont suspendues en France. Il n’en poursuit pas moins son œuvre puisqu’en 1634 paraît encore, à Douai, De l’Unité de la hiérarchie⁷.

Richelieu, de son côté, fait imprimer deux lettres adressées à l’archevêque de Rouen les 31 janvier et 5 février 1634, tandis que paraît une réponse directe à l’évêque de Belley, intitulée L’Anti-Camus ou Censure des erreurs de Monsieur du Belley, touchant l’état des Religieux où principalement est réfuté son livre de la désapropriation claustrale et de la pauvreté évangélique. Le livre est également publié à Douai, chez Guillaume Beaulieu. Le prélat n’est pas vaincu puisque dix ans plus tard, en 1644, il produit encore L’Anti-basilic pour réponse à l’Anti-Camus⁸.

Jean-Pierre Camus est nommé évêque d’Arras en 1652 mais décède le 26 avril.

Voir aussi Joseph Bergin, The Making of The French Episcopate (1589-1661), New-Haven & London, Yale University Press, 1996, p. 591 ;

article “Camus (Jean-Pierre)”, dans cardinal Georges Grente (dir.), Dictionnaire des Lettres françaises : le XVII^e siècle, Paris, Fayard, 1996, p. 230-232, coll. Pochothèque.

Textes 254, 641, 858, 861, 

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, t. IV, p. 307, note 1. [↩]
2. J. Descrains, Bibliographie des œuvres de Jean-Pierre Camus, évêque de Belley, Paris, Société d’études du XVII^e siècle, 1971. [↩]
3. Voir la lettre commune des réguliers adressée à Richelieu, 15 ou 25 avril 1632, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 168-181, translation publiée en ligne texte 641 ; et le courrier de Louis de La Salle, supérieur de la maison professe de la Compagnie de Jésus à Paris, à Richelieu, du 31 mai 1632, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu… l’année 1632, ouvrage cité, p. 242. [↩]
4. L’archevêque de Toulouse, l’archevêque de Bordeaux et l’évêque de Beauvais à Richelieu, 31 mai 1632, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu… l’année 1632, ouvrage cité, p. 243 ; et Henri d’Escoubleau de Sourdis à Richelieu, 15 juin 1632, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), ibidem, p. 266. [↩]
5. Denis-Louis-Martiel Avenel (éd.), Lettres, instructions…, ouvrage cité, t. IV, p. 307. [↩]
6. Le document a été publié par Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1634, Paris, éditions L’Harmattan, 2013, 2 volumes, t. 1, p. 229-230. [↩]
7. Impr. Veuve M. Vyon. [↩]
8. L’ouvrage est imprimé, sans lieu, et figure comme les précédents au catalogue de la Bibliothèque nationale de France. [↩]