Mémoire adressé à Jean de Beaumont, baron de Saint-Étienne, fin 1631 ou début 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 9, f° 62-63. Copie de la main d’un secrétaire.

Il est évident que la prise de Moyenvic par les gens de l’Empereur il y a deux ans ou environ n’a pas été faite par forme de justice et pour maintenir les droits de l’Empire, ainsi que depuis l’on en a pris le prétexte, mais cette action s’est passée en la même sorte que l’Empereur, à la suscitation des Espagnols et autres princes qui n’étaient pas lors amis de la France, a troublé la juste possession du duc de Mantoue, et s’est emparé de ses États sous ombre qu’ils relèvent de lui, ce qui toutefois ne lui attribue pas le pouvoir, soit à l’égard des dits États de Monsieur de Mantoue, ou de ceux de l’évêque de Metz d’y exercer de telles violences, d’y bâtir des forts, charger le pays de gens de guerre et de contributions insupportables.

Tous les princes qui dépendent de l’Empire savent bien qu’en telles occasions ils peuvent recourir à la protection de leurs voisins. De tous temps, il s’est vu que les dits princes et les villes libres en ont ainsi usé. Et les auteurs allemands qui ont écrit des lois et des droits de l’Empire soutiennent manifestement que cela est permis, que les dits princes et les dites villes peuvent entrer en confédération et alliance, qui est encore plus que le recours à la protection, avec ceux qui ne sont pas dépendants de l’Empire pour la conservation de leurs immunités et franchises.

Et quant au particulier de Moyenvic, cette innovation faite au temps de la guerre d’Italie a dû suivre le même cours d’accommodement et restitution des autres places qui ont été occupées de part et d’autre, ce qui devait avoir plus de lieu en ce qui concerne Moyenvic que l’Empereur n’a eu aucun sujet ni prétexte de se plaindre de Monsieur de Metz.

Ces raisons furent représentées au long par Monsieur de Léon à la diète de Ratisbonne, qui remontra à l’Empereur et à Messieurs les Électeurs qu’il était à propos d’ôter dès lors cette pierre de scandale. Et quand on le pressa de faire mention de cette affaire dans le traité, il y a fait insérer sa déclaration, manifeste qu’il n’avait aucun pouvoir d’agir sur ce fait, mais seulement qu’il avait ordre de faire entendre d’office les griefs de Monsieur de Metz, et insista que toutes les raisons alléguées par les ministres de l’Empereur, sur les instances des innovations prétendues aux Trois-Évêchés ne devaient être mises en aucune considération en cette affaire, qu’il n’y avait aucun rapport, n’y ayant pas d’apparence de molester un tiers pour la prétention d’être molesté d’un autre, joint que les dites innovations que l’on prétend avoir été faites en quelques lieux des Trois-Évêchés sont en suite de ce qui s’est passé depuis longtemps, qu’il n’est pas à propos de joindre à ce nouveau différend, puisqu’autrement ce serait donner ouverture de remettre en avant une infinité de questions qui feront naître des guerres perpétuelles.

Et pour venir au fait présent, le Roi, voyant que l’on assemblait plusieurs troupes sur ses frontières, avec un dessein public de le troubler, et que ces dites troupes étaient favorisées de l’Empereur, de l’archiduc Léopold, et de Luxembourg, où elles recevaient leurs logements, vivres, argent et secours d’hommes et que l’on se voulait servir de la commodité de Moyenvic pour former ce dessein avec plus de facilité, étant aussi prié instamment de Monsieur de Metz de délivrer son évêché d’un si long travail, et se trouvant d’ailleurs convié de s’approcher de sa frontière à cause des troupes de divers partis qui n’en sont pas loin, il aurait pris l’occasion d’assurer Monsieur de Metz de cette place, sur quoi l’avenir fera connaître la sincérité de ses intentions, et qu’il conservera toujours la bonne intelligence et la paix avec ses voisins, croyant aussi qu’ils lui en donneront sujet.

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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