Mémoire adressé à Richelieu ou à son entourage, fin 1631 ou début 1632.
Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 9, f° 72-73. Original.
Manom est un pentagone régulier dont les faces des bastions sont de quarante toises, les épaules de neuf, et les courtines de 34. Il y a deux portes. Il n’est revêtu que de terre, situé dans de grands marais, environné de fossés tout alentour, de quinze pieds d’eau et autant de relief. Leur largeur est de 18 toises.
Il y a une petite rivière qui passe dans l’un des coins du dit Manom.
Près de la dite ville, un peu sur la droite, environ à la portée d’un pistolet ou un peu plus, il y a un fort, situé sur une petite motte qui est un carré, dont la porte est regardée à plain par la face d’un des bastions dudit Manom. Il n’est encore en état ni parachevé. La ville lui commande absolument.
Il n’y a autre logement que quelque baraque, ou sente, dans le dit carré pour mettre à couvert les soldats qui y entrent tous les soirs en garde, sortant de Manom avec les vivres nécessaires pour le temps de 24 heures qu’ils y demeurent, n’y ayant autre munition que celle que les dits soldats y portent tous les jours.
Entre la ville et le fort, il y a un grand chemin creux, où l’on se peut mettre à couvert sans être vu ni de l’un ni de l’autre côté.
Dans le dit Manom, il y a onze pièces de canon, et [il n’y en a] pas dans le fort. Ils ne sont en batterie et n’y peuvent être [de] sitôt, n’y ayant de plateforme dressée, outre que la terre nouvellement travaillée ne pourrait souffrir leur effort, d’autant que sans cela, elle tombe déjà de soi-même en plusieurs endroits.
Tant pour la ville comme pour le fort, il n’y a qu’une compagnie de gens de pied, qui doit être de 300 hommes. Mais elle n’est pas complète, et se partage tous les jours pour faire les gardes de l’une et l’autre place.
Un entrepreneur, né Français, domicilié en <…>, qui a commencé et achevé un des bastions, assure que si Alexandre veut le faire mettre sur l’état de ses ingénieurs, le retirer à son service, et lui donner quelque emploi avec les moyens de se rédimer de tous les inconvénients qui pourraient lui survenir, ensuite de cette action et, à cet effet, mettre mille pistoles entre les mains de quelqu’un de <…> pour les lui donner lorsqu’il aura servi, il promet de donner les moyens et les inventions de se rendre maître facilement et sans grande difficulté de la dite place, offrant de mettre tout ce qu’il a de plus cher, voire sa femme et ses enfants, entre les mains de qui l’on voudra, pour assurance de sa fidélité. Pour l’exécution de cette affaire, il demande deux mille hommes de pied et trois ou quatre cents chevaux, quelque peu d’argent sur et tant moins denier pistoles pour travailler aux machines nécessaires. La plus grande difficulté qu’il y a est la conduite de deux mille hommes sans bruit et sans éclat, n’en pouvant approcher de plus près que de huit lieues dans les terres d’Alexandre. L’on pourra bien s’avancer à cinq ou six lieues près dans les mêmes terres comme à <…>. Mais ce ne peut être sans donner soupçon. Il y a une petite rivière à passer dans la <…>, sur un pont tout proche de <…>. Sinon, les gens de guerre peuvent sortir de <…> et faire tout le chemin en une nuit.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marie-Catherine Vignal Souleyreau (25 mai 2022). Texte 7, année 1632, début, ou fin 1631, mémoire pour Richelieu. Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 16 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/tppy