Richelieu à Abel Servien, 20 novembre 1635.
Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, t. V, p. p. 350-352. Voir aussi Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La raison de guerre” : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1635, Paris, éditions L’Harmattan, 2016, p. 540.
Le texte s’insère dans un échange de courriers débuté par un courrier d’Abel Servien à Richelieu en date du 17 novembre 1635, translation publiée en ligne, texte 971, et poursuivi par la réponse de Richelieu à Abel Servien, Rueil, les 17-18 novembre 1635, translation publiée en ligne, texte 972. Voir aussi le courrier que Richelieu adresse encore à Claude Gobelin, le 21 novembre, translation publiée en ligne, texte 974.
De Rueil, ce 20 novembre 1635
J’ai si grande peur que les levées d’Italie demeurent, que, voyant que M. de Bullion destine, sur le remboursement qu’il me doit faire, les nouvelles levées où est compris Château-Bouc1, j’écris un billet à des Roches, pour qu’il fournisse présentement ladite levée de Châteaubouc, selon l’ordre que vous lui en baillerez, et vous ajouterez cette levée dans son remboursement.
Je vous prie d’envoyer diligemment les 8 commissions de cavalerie hongroise pour M. de La Moussaye chez M. du Châtelet, qui les enverra aussitôt en Bretagne.
Vous donnerez aussi, s’il vous plaît, une commission de compagnie hongroise au sieur de Baume, qui aime mieux se mettre dans la cavalerie que dans l’infanterie, où il destine un de ses frères en sa place.
M. de Beaufort2 est venu, résolu de faire ce qu’il pourra de cavalerie ; mais il est encore bien incertain de ce à quoi son pouvoir s’étendra.
Le chevalier de Fontète [Fontette], qu’on pensait qui eût tourné casaque, est ici. Je vous l’ai adressé ; il faut un peu éplucher sa conduite, et, avant que s’engager à lui rien bailler, voir ce qu’il peut faire et quel dessein il a.
Gagnot m’a écrit qu’il avait pris des lettres de change à Strasbourg et à Bâle, pour faire tenir, à Colmar et à Sélestat, l’argent dont il était chargé, ce dont je suis très aise, mais cela n’empêche pas qu’il n’en faille prendre pour le surplus de ce qu’il faut faire tenir en toutes ces places.
Quant à l’artillerie de M. le Comte [de Soissons], je vous laisse accommoder cela comme vous l’estimerez plus à propos ; mais il est certain qu’il lui en faut. Vous n’aurez pas oublié, je m’assure, à avertir mondit sieur le Comte du changement de M. de Vignoles, afin qu’il prenne ses mesures selon qu’il l’estimera plus à propos.
Je crois que Bellefons avec les 3 compagnies de Graville, du Bec, et d’Heilly, qui est aussi bon avec lui que Villequier, et les deux qui ont chargé Clinchant3, suffiront vers Langres avec le sieur Thibault.
La compagnie de Bideran est arrivée ; il la faut, s’il vous plaît, envoyer à Nancy où elle va en garnison. Je crois qu’il lui faut donner surtaux si on veut qu’elle subsiste, ou des quartiers de contributions aux environs. Le même faut-il faire pour celle que lève M. de Barrault. Avec ces 2 compagnies ils peuvent faire amasser tous les blés des environs, et faire la guerre sans excuse.
Il est du tout nécessaire de donner ordre pour faire les recrues de la garnison de Nancy. Il doit y avoir du fonds des deniers revenant bons. Je vous prie, sur quelques fonds qu’aura le trésorier, donner une ordonnance pour lesdites recrues sans attendre le consentement de Messieurs les surintendants [Claude de Bullion et Claude Bouthillier], envers lesquels cet article vous servira de décharge. Si vous pouviez trouver quelque invention pour fortifier promptement cette garnison, vous m’obligeriez bien fort en mon particulier.
Il serait bon de savoir si M. de Fossé amasse les 4 compagnies qu’il doit entretenir sur le revenu de M. de Verdun, car, si toutes nos pièces étaient bien assemblées et que de tous côtés il y ait lieu de faire la guerre aux ennemis, j’espère que nous les rangerions à la raison.
Boisruffin demande 3 compagnies d’augmentation en son régiment ; c’est un bon moyen pour fortifier la garnison du sieur Thibault, et n’y point mettre de régiment nouveau.
Le Cardinal de Richelieu
- Voir le texte 972. [↩]
- La mention reste incertaine et illustre à merveille les chausse-trappes dont la correspondance et les papiers d’État de Richelieu sont émaillés. S’agit-il de François de Bourbon-Vendôme, duc de Beaufort, comme l’indique Denis-Louis-Martial Avenel (Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, ouvrage cité, tome VIII, p. 396) ? On trouve, pour 1635, la mention d’un sieur de Beaufort, huguenot, ayant servi en Allemagne, et susceptible de lever un régiment en Languedoc au début de l’année, peut-être Jean II de Vabres : voir le mémoire que le duc d’Halluin destine à Richelieu en février 1635, Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), L’œil et la plume de Richelieu : correspondances croisées, 1635, Paris, L’Harmattan, 2020, p. 82. Un parent de Jacques-Timoléon de Beaufort-Montboissier, marquis de Canilhac, évoqué, avec ce dernier, à propos de la soumission à l’autorité du Roi, au mois de juillet 1632, du château de Vodable, porte aussi le même nom de Beaufort : voir le texte 212. En mai 1634, Louis Testu, chevalier du guet, est chargé de la surveillance des frères d’Urbain Grandier, emprisonnés, et d’un nommé Beaufort qui s’évade néanmoins de la Bastille quelques semaines plus tard : Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Le trésor pillé du Roi : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1634, Paris, L’Harmattan, 2013, 2 volumes, tome 1, p. 492, et tome 2 p. 61. On trouve aussi, en octobre 1634, l’évocation par le marquis de Saint-Chamond de « Beaufort », huguenot originaire de La Mure, en Dauphiné, proche du maréchal de Créqui et du comte de Sault, et qui a d’abord servi le connétable de Lesdiguières : le marquis de Saint-Chamond à Richelieu, 23 octobre 1634, Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Le trésor pillé du Roi… tome 2, ouvrage cité, p. 315-316. Le secrétaire du connétable de Lesdiguières, Louis Videl, souligne la contribution de Beaufort au service du connétable, peu avant la mort de ce dernier, lors de la révolte de Brison : Beaufort y est qualifié de « gentilhomme du Dauphiné courageux et intelligent »,Histoire de la vie du connestable de Lesdiguières, Paris, P. Rocolet, 1638, à la BnF, cote RES-LN27-12436, p. 463-464. Enfin, la mention du sieur de Beaufort pourrait-elle se rapporter à Antoine de Balestrier. [↩]
- La référence à « Clinchant » reste difficile à préciser : il s’agit d’Africain de Mailly, baron de Clinchamp, ou de son fils, Charles de Mailly, chevalier de Clinchamp. La bataille à laquelle il est fait référence a été menée par le colonel Jean de Gassion, voir le courrier qu’Abel Servien adresse à Richelieu, de Paris, le 17 novembre 1635, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), “La raison de guerre” : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1635, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 541. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marie-Catherine Vignal Souleyreau (24 février 2025). Texte 973, année 1635, 20 novembre, Richelieu à Abel Servien. Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 18 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13d3o