Rochechouart (François de, dit “le chevalier de Jars”)

François II de Rochechouart (v. 1595-1670), dit « le chevalier de Jars », est le fils de François de Rochechouart, seigneur de Jars, et d’Anne de Montceaux1. Il intègre l’ordre de Malte en 1607.

Compromis dans l’affaire Chalais en 1626, proche d’Anne d’Autriche, il est contraint de s’en éloigner par un ordre d’exil en Angleterre. Il est alors admis dans l’entourage de la Reine, née Henriette-Marie de France, sœur de Louis XIII, et fait connaissance du marquis de Châteauneuf, nommé ambassadeur extraordinaire à Londres au mois de mai 1629. Tous deux se lient durablement. 

Dans les mois qui suivent, le marquis de Châteauneuf ourdit un complot, avec la complicité de Walter Montaigu, de Henry Rich, comte de Holland, de la duchesse de Chevreuse, de Marguerite Courtin de Vantelet, femme de chambre de la reine d’Angleterre, et de René Augier. Il s’agit pour eux d’écarter le grand trésorier, Richard Weston, et d’obtenir la nomination du chevalier de Jars comme ambassadeur ordinaire de France à Londres en remplacement du marquis de Fontenay-Mareuil. Le complot vise également à organiser la fuite vers l’Angleterre de Marie de Médicis, exilée en Flandre, et de son fils cadet, le duc d’Orléans, exilé en Lorraine2. Il se donne enfin pour objectif de placer auprès de la jeune reine des femmes susceptibles, selon eux, de défendre les intérêts réels du roi de France auprès de Charles Ier, parmi lesquelles Madame de Vantelet, pensionnée par Louis XIII.

Après le retour à Paris du marquis de Châteauneuf, auquel sont confiés les sceaux de France en remplacement de Michel de Marillac, en novembre 1630, le chevalier de Jars devient l’amant de Madame de Vantelet3. Elle en a un enfant4.

En mars 1631, Richelieu lève l’exil qui avait été imposé au chevalier de Jars et le convoque à Paris. Le chevalier de Jars se rend à l’injonction qui lui est faite et regagne la France. Il retrouve le marquis de Châteauneuf dans la capitale. En juillet, Fontenay-Mareuil indique que l’influence de Madame de Vantelet auprès de la reine d’Angleterre empêche le remplacement, à la cour de Londres, auprès de la souveraine, des oratoriens par des capucins, qu’envisageaient Richelieu et le père Joseph. Puis, à la fin de l’année 1631, le marquis de Châteauneuf révèlerait l’intention du Roi de s’emparer de Moyenic, en Lorraine, au chevalier du Jars, qui en informerait la duchesse de Chevreuse5.

En janvier 1633 pourtant, Richelieu envisage l’envoi du chevalier de Jars en Angleterre pour exprimer, au nom de Louis XIII, une compassion de bon aloi au roi Charles Ier, qui a contracté la petite vérole, Richelieu précisant que « le chevalier de Jars y a grande habitude [à la cour de Londres] et témoigne affection »6. Le roi de France oppose aussitôt un refus cinglant : « vous ne vous souvenez pas de ce que je vous dis l’autre jour des deux diamants. J’y veux envoyer un des miens »7.

Il s’agissait de deux diamants qu’Anne d’Autriche envisageait d’offrir, à l’insu du Roi, à lord Germain et à lord Montaigu, en même temps qu’elle projetait l’envoi confidentiel de diamants en Espagne. C’est donc la volonté du Roi et la trahison de la Reine régnante vis-à-vis de son époux qui déterminent l’arrestation, à la fin du mois de février, du chevalier de Jars, par Louis Testu, en même temps que celle, par Marin Amelon de Boislorée, du marquis de Châteauneuf et que celle de ses neveux, Messieurs de Leuville et de Vaucelas.

La perquisition menée chez le chevalier de Jars permet la découverte d’« une vingtaine de lettres chiffrés [sic] de Holland, trente-deux de Montagu, trente-quatre de Vantelet et trente et  une d’Henriette-Marie elle-même »8. Richelieu attire très vite l’attention du marquis de Fontenay-Mareuil sur une tentative de corruption, par le prisonnier, d’un soldat de la Bastille pour faire écrire en Angleterre à ses amis qu’ils détruisent les documents compromettants restés outre-Manche9. Richelieu incite aussi Fontenay-Mareuil à évoquer l’affaire avec Richard Weston, et à suggérer la saisie des papiers de Walter Montaigu10. Le cardinal-ministre ne s’en tient pas là puisqu’il mentionne encore la présence, dans la correspondance saisie chez le chevalier de Jars, d’une lettre qui lui est explicitement hostile, d’une lettre évoquant les intrigues contre le grand trésorier, et qu’il demande à Fontenay-Mareuil de faire rechercher toute preuve à charge contre le chevalier de Jars et contre Walter Montaigu pour le projet d’exil en Angleterre de Marie de Médicis et du duc d’Orléans4.

Depuis sa prison, le marquis de Châteauneuf exprime son inquiétude concernant l’affaire des diamants, bien conscient des conséquences que pourrait avoir la blessure faite à l’amour-propre du souverain, et réclame des comptes à Monsieur Morant, peut-être, selon l’hypothèse formulée par Avenel, trésorier de l’ordre du Saint-Esprit11, et/ou Thomas Morant du Mesnil-Garnier, le beau-père de son neveu, Louis Olivier de Leuville.

Le procès du chevalier de Jars est instruit par Isaac de Laffemas, au présidial de Troyes. Les procès faits au chevalier de Jars et à François d’Alpheston entre septembre et novembre 1633 s’inscrivent dans la série des procès politiques initiés par Richelieu après la journée des Dupes : ceux du maréchal Louis de Marillac (printemps 1632), de Louis Deshayes de Cormenin et de Charles-Maximilien d’Hallewin, seigneur de Wailly (octobre 1632), de Blaise Rouffet (mars-juillet 1634), celui de Michel de Clausel en 1635. Interrogé à de multiples reprises par Isaac de Laffemas, le chevalier de Jars se refuse obstinément à tout aveu. Condamné à mort, il est sauvé in extremis par une grâce royale au moment de monter sur l’échafaud12. Il reste cependant embastillé jusqu’en 1638.

L’arrestation et l’incarcération du chevalier de Jars, avec celles du marquis de Châteauneuf, de ses neveux, le sieur de Vaucelas et le sieur de Leuville, tandis que le marquis de Hauterive parvient à prendre la fuite, entraîne encore l’emprisonnement, le 15 juillet 1633, de Claude Dumolin, d’abord secrétaire d’ambassade à Londres en 1618 puis chargé d’affaire en 1627 et 162913.

La reine d’Angleterre déploie tous ses efforts, pendant cinq ans, pour obtenir sa libération. En 1635, elle charge le comte de Leicester, ambassadeur du roi d’Angleterre à Paris, d’intercéder en faveur du prisonnier auprès de Richelieu14. Elle réitère ses desiderata auprès de Walter Montaigu et de John Digby. En 1637 et 1638, dans le contexte de la négociation, par la France, d’une possible ligue offensive et défensive avec l’Angleterre, Henriette-Marie de France multiplie les démarches15. Richelieu lui promet l’élargissement du prisonnier si un traité était signé14.

Aucun accord n’ayant été conclu, c’est encore dans le but d’obtenir la libération du chevalier de Jars que lord Digby se rend précisément à Paris au début de l’année 1638. Richelieu et Louis XIII cèdent alors : le cardinal-ministre demande au comte de Chavigny, en qualité de gouverneur de la Bastille, de conduire le prisonnier chez lord Digby16.

En 1642, le chevalier renoue avec les intrigues et se compromet auprès de François-Auguste de Thou, lui-même mis-en-cause dans le complot du marquis de Cinq-Mars17.

Le chevalier de Jars s’exile alors à nouveau, en Italie, où il reçoit le titre de commandeur de l’ordre de Malte des mains d’Urbain VIII et rencontre Mazarin.

Pendant la Fronde, il renoue avec les intrigues.

Textes 989, 990, 991

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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  1. Maxim Boyko, Représenter le roi au sortir du XVIe siècle : France et Angleterre en quête d’art diplomatique (1610-1642), Paris, Classiques Garnier, 2025, p. 765 note 10. []
  2. Sophie Guérinot-Nawrocky, Les réseaux d’information et la circulation des nouvelles autour de l’exil de Marie de Médicis (1631-1642), thèse de doctorat d’histoire, soutenue à l’université de Paris-Sorbonne (Paris IV), dir. L. Bély, 2011, p. 129 ; déclaration du chevalier de Jars, 25 mars 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Richelieu à la conquête de la Lorraine : correspondance, 1633, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 153-155 ; Richelieu à Robert de Lamont, 16 août 1633, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, tome IV, p. 478. []
  3. Maxim Boyko, Représenter le roi au sortir du XVIe siècle…, ouvrage cité, p. 765. []
  4. Analyse du « Mémoire baillé au sieur Boutard allant en Angleterre », rédigé à Écouen, le 25 avril 1633, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques…, ouvrage cité, tome VIII, p. 251-252. [] []
  5. Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques…, ouvrage cité, tome IV, p. 457. []
  6. Richelieu à Louis XIII, vers le 11-12 janvier 1633, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques…, ouvrage cité, tome IV, p. 419-420. []
  7. Mention portée par Louis XIII en marge de la lettre adressée par Richelieu vers le 11-12 janvier 1633, ibidem. []
  8. Maxim Boyko, Représenter le roi au sortir du XVIesiècle…, ouvrage cité, p. 767. []
  9. Voir le mémoire que Richelieu rédige à l’attention du marquis de Fontenay-Mareuil, en mars 1633, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques…, ouvrage cité, tome VII, p. 1000. []
  10. Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques…, ouvrage cité, tome VIII, p. 249. []
  11. Lettres, instructions diplomatiques…, ouvrage cité, tome IV, p. 419-420. []
  12. Le chevalier de Jars à Richelieu, Provins, 1er décembre 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau, Richelieu à la conquête de la Lorraine, correspondance 1633, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 671 ; Richelieu à Robert de Lamont, début décembre 1633, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques…, ouvrage cité, tome V, p. 504. []
  13. Maxim Boyko, Représenter le roi au sortir du XVIe siècle…, ouvrage cité, p. 405. []
  14. Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques…, ouvrage cité, tome VIII, p. 122-123. [] []
  15. Voir Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques…, ouvrage cité, tome VI, p. 3. []
  16. Denis-louis-Martial Avenel (éd.), ibidem, cite une lettre de John Digby à Walter Montaigu, du 19 mars 1638, indiquant que le chevalier de Jars lui a été remis. Voir aussi la lettre que Richelieu adresse à Bellièvre, le 7 mars 1638, indiquant que le Roi accepte de libérer le chevalier de Jars aux conditions demandées par la reine d’Angleterre, dans Denis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques…, ouvrage cité, tome VII, p. 185. []
  17. Richelieu à François Sublet de Noyers et à Léon Bouthillier de Chavigny, 25 juillet 1642, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques…, ouvrage cité, tome VII, p. 50-52. []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marie-Catherine Vignal Souleyreau (23 mars 2025). Rochechouart (François de, dit “le chevalier de Jars”). Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 18 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13jwx


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