Jacques Mangot d’Orgères à Richelieu, Carcassonne, 21 août 1632.
Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 1628, f° 218-219. Original autographe, dont la transcription a été publiée dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 400-401.
Monseigneur,
La nouvelle est très certaine du désembarquement des gens de guerre aux ports de Collioure, Canet et Rozès. M. de Montenègre est le général de cette flotte, en laquelle on tient par bruit commun qu’il y a 6 000 Napolitains ou Siciliens, 800 hommes de cheval, 2 500 selles et harnois de chevaux, 3 000 pistolets, quantité de canons, toutes sortes de munitions de guerre, outils et ferrements. Lesdits gens de guerre sont logés en tous les lieux et villages de la comté de Roussillon, étages, mas, île limitrophes de France. Il est vrai aussi qu’ils sont tous infiniment travaillés des incommodités qu’ils ont soufferts sur mer. La plupart en sont malades, beaucoup en meurent. Il y a même de la peste parmi eux. On dit aussi qu’ils attendent d’autres troupes, jusqu’à 4 000 homes de pied que doit conduire don Ferdinand de Tolède1, qui est à Barcelone. Ils ont deux chemins pour venir de ce côté-ci, par terre, par Caudiès, Limoux, de là, droit en cette ville, et par ce chemin, on passe le col Saint-Louis. L’autre chemin est par Saint-Paul-de-Fenouillèdes, qui est un bourg qui appartient à M. l’évêque d’Alet qui y est depuis peu, et, de là, à Limoux.
Par tous les deux chemins, les hommes de cheval peuvent passer, mais avec grande incommodité. 500 hommes en empêcheront 10 000. Le canon, il est impossible qu’il passe. Il y a un autre chemin pour aller à Narbonne par terre, par Salses, côtoyer Leucate d’un quart de lieue, et suivre puis après le grand chemin. On dit que celui-là est plus beau et plus facile pour le canon.
Pour les deux premiers chemins, les sieurs du Viviers, de Coustousse, de Sourniac2, Castelmaure3 peuvent seuls, faisant armer les communes de Caudiès, de Saint-Paul, de Tuchan, les empêcher de passer. Je leur ai, Monseigneur, écrit à tous, et ai envoyé des ordonnances aux communautés, portant injonction de s’opposer à ce passage à main armée.
Tous les gentilshommes sont suspects de mal aller pour le service du Roi, soit par crainte, ou affection contraire. M. de Montmorency a envoyé une ordonnance à ceux de Tuchan de loger en leur lieu cent hommes de pied, qui semble être pour faciliter ce passage. Ils me l’ont apportée. J’en ai baillé une contraire.
M. l’évêque de Saint-Pons est déclaré contre le Roi. Il alla hier à Olonzac, qui est un gros bourg, les persuader de se rendre au parti contraire et recevoir des gens de guerre, autrement, qu’on leur mènerait le canon. J’ai informé de ce fait.
M. de Nîmes a passé depuis 5 ou 6 jours par ce pays pour aller en Foix.
Quelques-uns m’ont dit que Biscarat avait passé aussi.
Le courage, Monseigneur, se maintient en tous les peuples pour servir le Roi. C’est la seule passion que j’ai au monde d’être digne de cet honneur, et vous témoigne que je suis, Monseigneur, de Votre Grandeur, votre très humble, très obéissant serviteur,
De Carcassonne, le 21 août 1632
- La mention reste difficile à éclaircir. Les papiers et la correspondance de Richelieu évoquent don Frédéric de Tolède, amiral de la flotte espagnole, appelé en Bretagne au début de l’année 1628. [↩]
- Concernant le baron de Sournia, voir aussi le texte 983. [↩]
- Peut-être s’agit-il de François d’Arsse, baron de Castelmaure. [↩]
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Marie-Catherine Vignal Souleyreau (8 avril 2025). Texte 996, année 1632, 21 août, Jacques Mangot d’Orgères à Richelieu. Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 17 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13pns