Charles IV de L’Aubespine, marquis de Châteauneuf (1580-1653), est le fils cadet de Guillaume de L’Aubespine de Marie de La Châtre. D’abord page du duc de Montmorency, il préfère l’état ecclésiastique et devient abbé de Saint-Pierre de Préaux. En 1603, il obtient la charge de conseiller au parlement de Paris. En 1609, Henri IV en fait son ambassadeur extraordinaire en Hollande et aux Pays-Bas espagnols.

Chancelier des ordres du Roi en 1620, il est dépêché en ambassade en Allemagne, en compagnie du duc d’Angoulême et du comte de Béthune, puis à Venise.

En 1626, Louis XIII lui confie une ambassade extraordinaire en Valteline afin d’obtenir la ratification du traité de Monçon par les Ligues grises et le corps helvétique. Châteauneuf n’obtient qu’un accord très partiel des cantons suisses. Le roi de France le dépêche ensuite à Venise, toujours en qualité d’ambassadeur extraordinaire, afin de seconder Étienne d’Aligre auprès de la Seigneurie et justifier le traité signé avec les Espagnols.

Le marquis de Châteauneuf est nommé ambassadeur extraordinaire à Londres au mois de mai 1629. Richelieu lui fournit une série d’instructions, en date du 28 août suivant, par lesquelles le cardinal-ministre recommande d’abord au diplomate de veiller à la bonne entente du roi et de la reine d’Angleterre. Puis Richelieu préconise d’empêcher toute entente entre l’Espagne et la Grande-Bretagne en prônant auprès des conseillers du souverain anglican un rapprochement avec Madrid, à l’occasion duquel Londres exigerait la restitution du Palatinat électoral à son souverain historique, le comte-palatin, Frédéric V von Simmern, beau-frère du roi d’Angleterre, tout en sachant pertinemment qu’une telle prétention rendrait tout accord impossible¹ !

Dans les mois qui suivent, le marquis de Châteauneuf ourdit un complot, avec la complicité de Walter Montaigu, de Henry Rich, comte de Holland, de la duchesse de Chevreuse, de Madame de Vantelet, première femme de chambre de la reine d’Angleterre, et de René Augier, qui assure par intérim, en juin 1632, après le décès d’Isaac Wake, la représentation diplomatique du roi d’Angleterre à Paris en compagnie d’Henri de Vic. Il s’agit pour eux d’écarter le grand trésorier, Richard Weston, et d’obtenir la nomination de François de Rochechouart, dit le chevalier de Jars, comme ambassadeur ordinaire de France à Londres en remplacement du marquis de Fontenay-Mareuil. Le complot vise également à organiser la fuite de Marie de Médicis en Angleterre². Il se donne enfin pour objectif de placer auprès de la jeune reine des femmes susceptibles de défendre les intérêts du roi de France auprès de Charles I^er, parmi lesquelles Madame de Vantelet, pensionnée par Louis XIII.

Or la journée des Dupes bouleverse les relations nouées entre les cours de France et d’Angleterre³. De nombreux expatriés français à Londres, dont, pour la seconde fois, Madame de Vantelet, son époux et leurs parents respectifs, ne devaient leur situation qu’à Marie de Médicis. La première femme de Chambre de la Reine devient alors l’intermédiaire entre les adversaires de Richelieu et la souveraine, plusieurs lettres de sa main retrouvées ultérieurement dans la correspondance du marquis de Châteauneuf en attestent.

De retour en France, le marquis de Châteauneuf devient pourtant garde des sceaux le 14 novembre 1630, en remplacement de Michel de Marillac. Après avoir supervisé le procès de Louis de Marillac en 1631-1632, il est introduit au parlement de Toulouse par une lettre de cachet, le 25 octobre 1632, pour le procès du duc de Montmorency, blessé et capturé à la bataille de Castelnaudary le 1^er septembre précédent.⁴.

Il est disgracié le 25 février 1633, et les sceaux confiés à Pierre Séguier.

Les griefs de Richelieu à l’encontre du marquis de Châteauneuf sont nombreux. Il lui reproche d’abord de l’avoir laissé à la maladie, en Guyenne, sur les terres du duc d’Épernon, à la fin de l’année 1632 au retour de l’expédition du Languedoc. Louis XIII et son principal ministre ne lui pardonnent pas non plus son échec, ou sa mauvaise volonté, à imposer l’autorité royale au Parlement⁵. Le garde des sceaux a encore commis de graves maladresses au cours de négociations secrètes menées en Lorraine à la fin de l’année 1631, par l’intermédiaire de son parent, M. de Verderonne, proche du duc d’Orléans en exil, et de Puylaurens. Il a conservé une correspondance bien mal venue avec l’Anglais Walter Montaigu, avec les comtes de Holland et de Carlisle, avec la reine d’Angleterre⁶, ainsi qu’avec Madame de Chevreuse, qu’il a eu l’indiscrétion d’informer du projet d’intervention française à Moyenvic en 1631⁷. Richelieu ne peut lui pardonner ses liens avec la Reine mère, et d’avoir participé au projet, dix-huit mois plus tôt, par l’intermédiaire du chevalier de Jars, de faire passer Marie de Médicis et Gaston d’Orléans outre-Manche⁸. Châteauneuf connaissait leurs intrigues d’autant que, n’ayant jamais rompu le contact avec les exilés factieux, il échangeait des courriers réguliers avec M^me du Fargis⁹. Il était enfin resté en possession d’une cassette compromettante de lettres du garde des sceaux Michel de Marillac¹⁰.

Coupable d’omission plus que de trahison, à l’instar du duc de Bellegarde, Châteauneuf est l’une des dernières victimes de la journée des Dupes. Le marquis de Châteauneuf est emprisonné, comme le chevalier de Jars, et reste incarcéré pendant dix ans au château d’Angoulême, sous la surveillance de Robert de Lamont, qui rend fidèlement compte à Richelieu de l’évolution de l’état d’esprit du prisonnier tout au long de l’année 1633, et tente, d’ailleurs vainement, de lui soutirer des aveux de nature à précipiter sa perte¹¹.

Le marquis de Châteauneuf est finalement rétabli dans sa charge en 1650, jusqu’à son décès.

Voir Madeleine Haehl, Les Affaires étrangères au temps de Richelieu : le secrétariat d’État, les agents diplomatiques (1624-1642), Bruxelles, Bern, Berlin…, P.I.E. Peter Lang, 2006, p. 225 ; Louis Moréri, Le grand dictionnaire…, tome premier, Paris, chez les libraires associés, 1759, p. 484.

Textes 5, 29, 33, 40, 66, 74, 105, 146, 149, 251, 279, 287, 313, 424, 443, 457, 465, 496, 517, 522, 527, 528, 535, 551, 555, 564, 596, 601, 615, 624, 675, 697, 711, 732, 736, 737, 739, 756, 757, 780, 781, 782, 791, 821, 831, 851, 853, 856, 867, 870, 872, 

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Ces instructions ont été publiées par Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), tome III,  p. 420-423. [↩]
2. Sophie Guérinot-Nawrocky, Les réseaux d’information et la circulation des nouvelles autour de l’exil de Marie de Médicis (1631-1642), thèse de doctorat d’histoire, soutenue à l’université de Paris-Sorbonne (Paris IV), dir. L. Bély, 2011, p. 129 ; déclaration du chevalier de Jars, 25 mars 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Richelieu à la conquête de la Lorraine : correspondance, 1633, Paris, éditions L’Harmattan, 2010, p. 153-155. [↩]
3. Voir Sarah Wolfson, “The Female Bedchamber of Queen Henrietta Maria : Politics, Familial Networks and Policy (1626-1641)”, Nadine Akkerman et Birgit Houben (dir.), The Politics of Female Household : Ladies-in-Waiting across Early Modern Europe, Leiden and Boston, Brill, 2013, p. 311-341. [↩]
4. Lettre de cachet conservée au Ministère des Affaires Étrangères, coll. Mémoires et Documents France, vol. 803, f° 203-204 [↩]
5. Gabriel Hanotaux, Histoire du cardinal de Richelieu. Tome IV, Paris, 1935, p. 168. [↩]
6. Robert de Lamont à Richelieu, Angoulême, 16 mars 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Richelieu à la conquête de la Lorraine, ouvrage cité, p. 137-139. [↩]
7. Richelieu à Robert de Lamont, fin avril 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Richelieu à la conquête de la Lorraine…, ouvrage cité, p. 217-218. [↩]
8. « Déclaration du sieur chevalier de Jars, prisonnier à la Bastille », 25 mars 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Richelieu à la conquête de la Lorraine…, ouvrage cité, p. 153-155. [↩]
9. Robert de Lamont à Richelieu, Angoulême, 29 mars 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Richelieu à la conquête de la Lorraine…, ouvrage cité, p. 160-163. [↩]
10. Commission délivrée à Louis Testu, 31 mars 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd), Richelieu à la conquête de la Lorraine…, ouvrage cité, p. 168-169. [↩]
11. Voir en particulier le courrier que Robert de Lamont adresse à Richelieu, de Loches, le 7 mars 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Richelieu à la conquête de la Lorraine…, ouvrage cité, p. 129-130. [↩]