Claude de Bullion à Richelieu, Paris, 30 mai 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires et Documents France, vol. 802, f° 188-189. Original autographe. Suscription au f° 189 v° : « à Monseigneur le cardinal, duc et pair de France ».

Monseigneur

J’ai reçu des lettres qu’il vous a plu m’écrire, dont je ne vous saurais assez remercier, me comblant en toutes façons de grâces et faveurs qui m’attachent de plus en plus au très humble service que je vous dois. Depuis votre départ, Monseigneur, j’ai toujours été malade d’une fièvre plutôt quotidienne que continue. J’ai eu des relâches, mais les redoublements ont été extraordinaires, et je n’en suis encore dehors.

Je prie Dieu de tout mon cœur qu’il me fasse la grâce de me donner santé, afin de pouvoir exécuter l’honneur de vos commandements. Je vous supplie très humblement de m’accorder, aussitôt que la fièvre m’aura du tout quitté, que je puisse aller aux champs quelques jours pour tacher à me remettre, et incontinent après, au premier commandement qu’il vous plaira me faire, je ne manquerai, Dieu aidant, de me rendre auprès de votre personne. J’ai vu les mémoires qu’il vous a plu envoyer à Monsieur le garde des sceaux, lesquels il m’a communiqué par votre ordre. Il ne m’appartient de donner mon faible jugement où vous avez mis la main. Mais néanmoins, avec la liberté que donnez à vos serviteurs, je vous dirai que vous avez si sagement et si judicieusement pourvu à toutes choses, qu’il n’y a rien à y désirer. Commandez, s’il vous plaît, qu’on vous lise [Guillaume] du Bellay sur le conseil général que le roi François fit tenir lors de la venue de Charles Quint en France. Vous trouverez que vous n’avez omis chose quelconque, et plutôt y avez ajouté. Et quelque vanterie que les ennemis du Roi fassent de lui faire beaucoup de mal, j’ai cette espérance, avec l’aide de Dieu, qu’ils ne lui en feront non plus cette fois que les autres. Au contraire, que Dieu lui fera la grâce de leur rompre la tête à tous et qu’il ne l’assistera pas moins que le roi François, étant pour le moins aussi vaillant et plus heureux et plus judicieux que lui. Chacun approuve la résolution du Roi sur le fait de Calais, la sûreté de l’État étant préférable à toute considération quelle qu’elle soit ou puisse être. Je n’ai manqué de faire connaître la vérité de vos intentions sur ce particulier à ceux qui me sont venus voir. Si l’état des affaires le peuvent permettre, il serait très à propos de châtier le maître de Monsieur de Ville¹, car c’est être trop hardi et trop souvent entreprendre contra Majestatem Imperii, et exercer contre son souverain. Je vous demande la conservation de vos bonnes grâces, et qu’il plaise à Dieu vous conserver en santé longue et heureuse vie, désirant demeurer, Monseigneur, votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur,

Bullion.

De Paris, le XXX mai.

1. Le duc Charles IV de Lorraine [↩]

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