Richelieu au maréchal d’Effiat, 30 mai 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 10, f° 331-332. Minute.

30 mai 1632

Pour répondre à la dépêche de M. d’Effiat du 25^e mai :

La première chose qu’il faut faire est de mettre les mille hommes et 100 chevaux, que La Saludie doit conduire dans Ehrenbreitstein. La 2^e est d’assurer Monsieur de Trèves que le Roi veut faire retirer les Espagnols de Trèves et ses États ainsi qu’il le désire. Mais d’autant que par un traité fait à Metz, Monsieur de Lorraine est obligé de concourir à ce dessein, et tout autre semblable où Sa Majesté voudra poster ses armes, et que depuis quelques temps le dit sieur de Lorraine s’est réuni avec les Espagnols et les ennemis de la France contre sa parole et sa foi, le Roi le veut contraindre à se séparer de ses nouvelles intelligences, et rentrer dans l’exécution des traités qu’il a faits avec lui. Et aussitôt qu’il l’aura réduit à ce point, il entreprendra ce que désire Monsieur de Trèves, qui jugent bien que si on diffère présentement de faire sortir les Espagnols de ses États, c’est pour le faire par après avec plus de facilité et plus de sûreté pour lui, laquelle il serait bien difficile d’établir si Monsieur de Lorraine dont les États sont contigus aux siens, demeurait lié avec ses propres ennemis. Après avoir fait entendre en grand secret de dessein du Roi à Monsieur de Trèves, La Saludie le sollicitera de mettre pareil ordre à Philippsbourg qu’il aura mis à Ehrenbreitstein, et ce le plus promptement qu’il pourra, afin que quand le Roi aura ramené Monsieur de Lorraine à l’exécution de ses promesses, ce que Sa Majesté espère de faire bientôt, il n’y ait plus rien à faire pour délivrer Monsieur de Trèves de la résolution où il est que de travailler à faire retirer les Espagnols de Trèves et du reste de ses États où il n’y a pas de places qui puissent faire grande résistance.

Aussitôt que La Saludie sera entré dans Ehrenbreitstein, Messieurs les maréchaux de La Force et d’Effiat ont à <suivre> leur intention pour réduire Monsieur de Lorraine à la raison, avec lequel le Roi sera bien aise de s’accommoder, s’il veut donner sûreté de lui pour l’avenir, ainsi qu’il l’a proposé au sieur de Ville, et que <…> vous lui mandé par une dépêche du 25, qui vous a été portée par le frère de Persode, et un duplicata du 27^me qui vous a été porté par le sieur de Miré. Pour faciliter ce dessein, le Roi partira mercredi pour se rendre à Sainte-Menehould vers le 12^e du mois. Outre l’armée que vous avez et les 10 régiments qui doivent être maintenant à Verdun, il mène <…> mil hommes de pied composés des gardes suisses, Piémont, Navarre, Rambures et Le Plessis de Joigny, et mille chevaux. Restent Monsieur le maréchal d’Effiat, comme je lui ai déjà mandé que nous trouvions officiers d’artillerie à Sainte-Menehould, canons et chevaux, car comme je vous ai écrit nous n’aurions vu ni l’ennemi de l’Espagne, qui ait un sol, ni officiers de l’artillerie qu’<Essain>, qui est aussi ignorant aux magasins de Champagne que Monsieur de Montbasin¹ l’est aux affaires du Grand Turc. Je crois que vous devez envoyer Ferrier auprès du Roi et donner les ordres nécessaires pour que le Roi ait un équipage d’artillerie de son côté et vous d’un autre.

Monsieur, j’ai reçu votre lettre du 25^e de ce mois. Pour y répondre, et au mémoire qui était dedans, je vous dirai qu’après que La Saludie sera entré dans Ehrenbreitstein, il n’est pas à propos d’aller attaquer Trèves, parce que par ce moyen nous prendrions le change de Monsieur de Lorraine aux Espagnols. Mais il faut assurer Monsieur de Trèves que le Roi le veut délivrer des Espagnols comme il le désire.

1. Peut-être s’agit-il du chevalier François de La Vergne, seigneur de Montbazin. [↩]

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