Extrait d’un mémoire de Pierre Dupuy, début 1641.

Bibliothèque de l’Institut, coll. Godefroy, vol. 338, f° 328-337. Copie, de la main du secrétaire de Théodore Godefroy. Le document est probablement rédigé au moment de la préparation du traité de Saint-Germain-en-Laye, conclu par Louis XIII et le duc de Lorraine le 29 mars 1641, rétablissant Charles IV dans ses États¹.

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Les hostilités exercées contre la France par Charles, duc de Lorraine, et que le Roi peut retenir ce qu’il possède des duchés de Lorraine et de Bar, et leurs appartenances, sans être obligé d’en rien restituer, vu les frais de la guerre et les dommages que la France a reçu à cause de ces hostilités [sic], par D. P. [Pierre Dupuy]

[…] Duché de Lorraine :

Que le duché de Lorraine et les terres et seigneuries possédées par les ducs de Lorraine non-mouvantes de la couronne de France appartiennent au Roi.

Il n’y a personne qui ne confesse après tant de perfidies et déloyautés commises par le duc Charles, que la guerre qui lui a été faite par le Roi a été juste et nécessaire et que la conquête du duché de Lorraine a été très légitime, et qu’il lui appartient par le droit de nature et des gens, car toutes les nations de la terres, d’un consentement universel, veulent que tout ce qui est conquis par les armes sur les ennemis appartienne au vainqueur et cela est appelé par les auteurs « loi publique », « loi éternelle » entre les hommes, « moyen légitime et très juste » d’acquérir droit établi par les Dieux mêmes.

À ce droit, l’on pourrait ajouter celui de la bienséance, si nous voulons nous en servir comme font les Espagnols qui n’ont point d’autre titre que celui-là pour donner couleur à leur usurpation du royaume de Navarre. Le fondement de la possession du Roi étant juste, l’on dit qu’il est difficile de conseiller à Sa Majesté d’abolir les marques de la générosité française, en restituant les terres et seigneuries à celui qui a tant causé de maux dans l’Europe qu’il importe qu’il reste des marques à la postérité d’un petit et faible prince, qui a été si téméraire que d’offenser un Roi si puissant, et à qui il était obligé par toutes sortes de devoirs.

Qu’il serait très honteux de perdre et abandonner pour quelque prétexte que ce soit ce que nous avons acquis par le sang et la substance des Français.

Que ce serait traiter la France plus cruellement que les ennemis de l’État, de lui ravir ce qui lui appartient par une loi très juste et légitime et après tant de dépenses.

Le duché de Bar :

Que le duché de Bar en ce qu’il relève de la France et les autres terres et seigneuries relevant aussi de la France appartiennent au Roi.

Comme le Roi possède à juste titre le duché de Lorraine, il en peut dire autant du duché de Bar, et autres seigneuries mouvantes de la couronne. 

À ce titre de la guerre, nous en avons un autre très légitime, tiré de la qualité et condition dudit duché, qui est la réunion à la couronne du fief servant au fief dominant, et ce par la félonie et rébellion du duc de Lorraine, réunion et réversion jugée par l’arrêt de la cour ci-devant daté.

Or, personne ne peut douter que de ce chef, quand le droit de la guerre manquerait, que la possession du Roi ne soit légitime, et cela est fort commun et se pratique tous les jours tant en France qu’ailleurs, où l’usage des fiefs a été introduit.

La félonie et rébellion du duc de Lorraine comme duc de Bar sont notoires, et en combien de sortes il a contrevenu aux traités qu’il a fait avec le Roi, par la plus cruelle guerre qui se peut imaginer. Il est très juste que la félonie et rébellion d’un vassal si obligé par la nature de son fief, et par une longue suite d’obligations, soient châtiées. Il s’est allié contre son devoir et ses promesses tant de fois réitérées avec les ennemis de son souverain seigneur à l’effet de lui faire la guerre.

L’Empereur [Ferdinand III], le roi d’Espagne [Philippe IV] et tous les autres rois ont intérêt que cette punition se fasse exemplairement. Ils ont des vassaux, princes assez puissants pour exciter des troubles et leur faire la guerre. L’on imite plus volontiers les mauvais exemples que les bons et les vertueux.

Le Roi, donc, ne doit souffrir qu’il soit parlé en aucune façon du dit duc, pour ce qui concerne le duché de Bar et autres terres mouvantes de la couronne, et si les députés de l’Empereur et du roi d’Espagne s’en veulent entremettre, on leur doit fermer la bouche, en leur déclarant que cette affaire est domestique et particulière entre le Roi et le dit duc, du seigneur contre son vassal, et qu’il ne doit être traité ailleurs qu’en France et en la cour de France.

1. Charles IV est remis en possession des duchés de Lorraine et de Bar, mais il cède à la France le comté de Clermont-en-Argonne, Stenay et Jametz, la ville de Dun-sur-Meuse et ses faubourgs. Marsal lui est rendue, après démantèlement. En vertu d’un article secret, les fortifications de Nancy doivent être rasées, et la ville dit recevoir une garnison française jusqu’à la fin de la guerre. Il est prévu que les troupes françaises aient désormais libre passage en Lorraine, et que les troupes ducales, sous l’autorité de Charles IV, rejoignent l’armée du Roi avec obligation de ne pas s’approcher à moins de cinq lieues de Nancy. Le duc est tenu de ne pas séjourner à Lunéville, trop proche de Nancy. La liberté de commerce est proclamée. Louis XIII crée encore une justice souveraine. Les offices et bénéfices vacants dans la capitale ducale doivent être pourvus par le roi de France. Le siège du bailliage de Nancy doit être transféré là où le souhaitera Charles IV. Aucun commis du duc n’est autorisé à exercer à Nancy. Enfin, le duc accorde une pension de 120 000 livres à la princesse Nicole, assise sur la recette de Bar et éventuellement sur les salines de Rosières et le domaine de Nancy. Le Pape seul a mission d’empêcher ou d’autoriser la dissolution du mariage. Avant son départ, Charles IV doit prêter foi et hommage pour le duché de Bar. Il reste que pour la première fois, le serment du duc en son nom propre est accepté et les droits de Nicole de Lorraine ne sont pas évoqués. [↩]

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