Protestation du duc Charles IV de Lorraine, Épinal, 28 avril 1641.

La protestation du duc Charles IV de Lorraine a été rédigée devant notaire, contre ce que la France exige de lui par le traité de Saint-Germain-en-Laye du 29 mars. Le document est conservé au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 32, f° 147-148, il s’agit d’une copie du XVIII^e siècle, ajoutée aux papiers de Richelieu par le marquis d’Audiffret en 1712.

Le duc de Lorraine expose ses griefs. Une protestation similaire est rédigée à Vienne par son frère, Nicolas-François, qui la rend publique le 28 septembre.

Charles, par la grâce de Dieu duc de Lorraine, marquis, duc de Calabre, Gueldres, Bar, etc., à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. 

Les assurances souvent réitérées qui nous avaient été données de la part du roi de France nous rendant auprès de sa personne d’en recevoir un traitement favorable et sortable à notre naissance et condition nous y avaient fait prendre une confiance entière, et porté à surmonter toutes les répugnances que les traitements reçus ci-devant nous faisaient concevoir, et négliger des remontrances bénignes de nos fidèles serviteurs et sujets, espérant plus à la bonté de Sa Majesté que nous n’appréhendons les violences de ceux qui semblent avoir un dessein formé d’envahir nos États, sous couleur d’une apparence de traité.

Mais, au lieu de recevoir les effets de ces assurances, sans nous permettre d’approcher de sa Majesté pour lui représenter l’injure qui nous était faite, le sieur cardinal de Richelieu se servant de cette puissante autorité qu’il s’est arrogée en France, captivant notre liberté par des violences extraordinaires, et contraires aux promesses qui nous avoient été faites, nous a forcé à nous soussigner à tous les articles qu’il a dressés pour nous dépouiller des principales et plus importances places, rentes et revenus de nos Couronnes et domaine, au préjudice de l’union faite de nos duchés de Lorraine et de Bar, et non-content de nous ravir les comtés et places de Clermont, Stenay, Jametz, Dun, appartenances et dépendances, en continuant ses mauvaises volontés en notre endroit, nous aurait contraint de nous soumettre envers Sa Majesté à des conditions injustes par des reprises de notre duché de Bar, sans différence ni distinction des places et prévôtés qui n’y peuvent être comprises au préjudice et contre le premier acte qui en a été fait par Henri II, comte de Bar, en l’an 1301, de Philippe le Bel, qui est l’origine de la simple révérence prétendue seulement par les Rois très Chrétiens jusqu’au temps des ducs Antoine et François, ducs de Lorraine et de Bar, nos prédécesseurs, desquels dès l’année 1541, l’on extorqua avec pareille violence une forme de reprise dudit duché de Bar entièrement contraire à celle du même comte Henri, laquelle néanmoins le dit sieur cardinal de Richelieu a prise pour fondement de celle qu’il nous a forcé de passer, sans avoir voulu déférer à la vérité que nous lui représentions, et d’autant qu’il nous importe, et à nos successeurs ducs, de faire connaître à tous monarques, <princes> et États, et à la postérité, le traitement rigoureux et forcé que nous avons reçu en France contre la foi publique. <…>¹ haine du dit sieur cardinal de Richelieu contre nos personne, maisons et États, et que l’on nous pourrait imputer d’avoir agréé, approuvé par notre silence, ce qu’il qualifie « traité », sous prétexte d’une prétendue ratification laissée en la ville de Bar le 21^e de ce mois d’avril détenue par les armes de Sa Majesté, ainsi que le reste de nos États, par lesquels nous étions nécessité [sic] de passer à notre retour de Paris, pour mettre notre personne hors de danger, et nous rendre à notre armée, savoir faisons qu’étant arrivé heureusement par la grâce de Dieu en notre ville d’Épinal, y ayant recouvré la liberté née avec tous les humains, laquelle nous devait âtre gardée inviolablement, nous y trouvant en l’état de pouvoir faire nos déclarations et protestations contre les nullités très apparentes de tous les actes que nous avons été contraints de passer pour la sûreté de notre personne, avons présentement en notre pleine et entière liberté déclaré, protesté par ces présentes, déclarons, protestons, en présence des tabellions de notre duché de Lorraine, et témoins à ce appelés, avoir été forcé et contraint, et violenté de nous soussigner à tous les actes que le dit sieur cardinal de Richelieu sous le nom de Sa Majesté Très Chrétienne a voulu extorquer de nous par appréhension de quelque autre traitement funeste à notre personne, notre intention n’ayant jamais été de démembrer ni désunir de notre duché de Bar les comtés et places de Clermont [Clermont-en-Argonne], Stenay, Jametz, Dun, ni leurs appartenances ni dépendances qui en sont inaliénables, non plus que de nous soumettre aux reprises, foi et hommage pour notre duché de Bar, en la forme qu’on a pareillement extorqué de nous par pure force et violence, ni aux conditions, ni aux articles qualifiés secrets, portés par ce prétendu traité, comme contraires à nos droits souverains et lois de nos États, que nous protestons ne devoir ni pouvoir nuire ni préjudicier, non plus qu’à nos successeurs ducs, desquelles déclarations et protestations avons pris acte, nous en être délivré par le tabellion, et témoins appelés à cet effet pour nous servir et valoir, ainsi qu’il appartiendra par raison, ensuite des présentes signées de notre main, contresignées par l’un de nos secrétaire d’État, commandement et finances, auxquelles nous avons fait appliquer le sceau secret de nos armes.

Fait en notre ville d’Épinal, le 28^e d’avril 1641.

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Le texte est pris dans la reliure et le papier est déchiré. [↩]