Marie du Cambout de Coislin à Richelieu, Plassac, 25 janvier 1642.

Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne, coll. Richelieu, vol. 18, f° 28-29. Original autographe. Pour le classement : « 25 janvier 1642, Marie du Cambout, cousine de Richelieu, à Richelieu ».

Monseigneur,

J’apprends par les lettres de Monsieur de Metz et de Monsieur le comte de Maillé comme Votre Éminence a trouvé mauvais le voyage que j’ai fait en ce pays pour empêcher Monsieur de La Valette de tomber en une honteuse nécessité et pour l’assister d’une assez petite partie des biens que la nature et toute sorte de raisons lui avait justement acquise après la mort de Monsieur son père [le duc d’Épernon].

Je ne me plaindrais pas, Monseigneur, de la mauvaise estime que Votre Éminence a témoignée avoir de moi en croyant que j’eusse eu besoin du conseil de personne pour être portée à un si raisonnable et si juste dessein. C’est peu de chose en l’état où je suis que vous me croyiez femme de peu d’esprit qui ne puisse pas de moi-même connaître mon devoir. J’ai un plus grand et plus sensible déplaisir de l’extrémité en laquelle je me vois réduite par vos défenses et par vos menaces contre les enfants de Monsieur mon mari. Si je n’assiste pas celui auquel je voudrais de bon cœur avoir donné ma vie pour rendre la sienne aussi agréable à Votre Éminence comme je sais qu’il le mérite, toute la France et toute le monde [sic] blâmera ma lâcheté et croira que j’aurai manqué à Monsieur de La Valette d’affection, de résolution et de bonne volonté en une si importante occasion si je l’assiste <…> contre votre défense, je serai cause de la ruine entière de la maison en laquelle vous m’avez mise. Permettez-moi, Monseigneur, de vous dire avec autant de vérité que de douleur que je voudrais être délivrée de la honte qui m’est préparée en obéissant à votre volonté ou de l’extrême déplaisir que vous me ferez recevoir si je n’obéis pas à Votre Éminence. Je prierai Dieu, Monseigneur, jusqu’au dernier soupir qu’il vous conserve la vie en toute prospérité et santé et qu’il l’abrège à la plus misérable et plus affligée personne du monde, laquelle ne cessera jamais d’être, Monseigneur, votre très humble, très obéissante et très obligée cousine et servante,

Marie du Cambout

De Plassac, 25 janvier 1642. 

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